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Photo du rédacteurJean Yves Carfantan

Illusions et impasses de la réforme agraire (2).


Petite histoire de l’imbroglio foncier (suite).

3. Le régime militaire (1964-1985)

En 1963, le Président João Goulart assume la Présidence après avoir promis une réforme agraire. Le chef de l’Etat propose un amendement à la Constitution qui permettrait l’ex-propriation de grands domaines sans paiement d’indemnisation aux propriétaires. Le projet ayant été rejeté par le Congrès, les invasions de propriétés à initiative de mou-vements de paysans vont se multiplier. Les conflits violents liés au contrôle du foncier et l’insécurité dans le monde rural s’aggravent. En 1964, João Goulart est déposé par un coup d’Etat.

Les militaires qui prennent le pouvoir reconnaissent la nécessité d’une réforme agraire. Ils entendent cependant répondre aux revendications paysannes en respectant "la loi et l’ordre". Surtout, dans un pays qui est déjà très urbanisé, ils veulent moderniser l’agri-culture, augmenter la productivité agricole et garantir ainsi l’approvisionnement ali-mentaire national et l’essor des exportations. Castelo Branco, le premier général qui as-sume la Présidence en 1964 fait adopter un amendement à la Constitution qui prévoit l’indemnisation des propriétaires expropriés par cession de titres de la dette publique. Son gouvernement promulgue en 1964 une loi définissant le "Statut de la Terre" qui établit un nouveau régime juridique pour la propriété privée en introduisant la notion de fonc-tion sociale de la propriété foncière.

Le "Statut de la Terre" est encore en vigueur de nos jours. Il soumet l’exercice du droit de propriété à sa fonction sociale. Cela signifie que pour conserver tous ses droits, le pro-priétaire d’une terre doit simultanément se soumettre à quatre obligations. Il doit res-pecter la législation du travail. Il doit encore organiser la production agricole afin d’at-teindre des normes de productivité fixées par les pouvoirs publics, préserver l’en-vironnement et conserver les ressources naturelles [1] et assurer le bien être de tous ceux qui vivent et travaillent sur sa propriété. Le Statut a défini deux instruments pour réaliser une redistribution foncière : l’expropriation des grandes propriétés (latifundios) improductifs et l’introduction d’un impôt progressif sur le foncier. Dans la pratique, la re-distribution sera très limitée.

A la place, à partir du début des années 1970, le gouvernement militaire va favoriser et faciliter l’occupation de l’Amazonie par le biais de projets de colonisation pilotés par l’Etat. Dans l’esprit des généraux au pouvoir, l’occupation et le peuplement de la région Nord doit assurer simultanément un reflux de la violence dans les campagnes, la croissance économique de la zone, un arrêt de l’exode rural, la protection du territoire et le ren-forcement de la souveraineté nationale en Amazonie. En 1970, le gouvernement central crée l’Institut National de Colonisation et de Réforme Agraire (INCRA), une agence fédé-rale qui sera responsable de la mise en œuvre de la politique d’occupation de l’Ama-zonie. L’agence va avoir pour mission d’assurer l’installation de milliers de familles de paysans sans terre originaires de toutes les régions du pays. En 1971, un décret-loi réintègre au domaine public fédéral toutes les "terras devolutas" [2] située sur une bande de 100 km de largeur de chaque côté des routes ouvertes en Amazonie légale [3]. Pendant le régime militaire, deux régions font l’objet de plans de lotissement de grande ampleur : le Rondônia et la région d’Altamira, au Sud de l’Etat du Pará.

Les bénéficiaires de la réforme agraire installés en Amazonie dans le cadre des projets de colonisation administrés par l’INCRA reçoivent dans les années soixante-dix des lots de 100 hectares. A partir des années 80, la taille du lot ne sera plus que de 50 hectares. Les familles qui reçoivent ces lots ne détiennent pas immédiatement un droit de pro-priété. Elles obtiennent le droit de s’installer sur des terres publiques qui n’étaient pas mises en valeur pour en faire un usage privé. S’ils exploitent effectivement la terre pen-dant au moins un an et un jour, ces "squatters" légaux ou posseiros peuvent recevoir un droit d’usufruit. Après 5 ans d’occupation et de mise en valeur continues, ce droit d’usufruit peut être transformé en droit de propriété complet. Installés en bordure des routes fédérales ou-vertes dans les années soixante-dix (axe Cuiabá–Santarém et axe Manaus–Porto Velho), ces familles avaient l’obligation de déboiser 50% de la surface des lots concédés par l’Etat fédéral. Le déboisement effectif était une condition pour recevoir un titre définitif de propriété. Le colon qui ne détruisait pas la forêt courrait le risque de perdre le droit d’oc-cuper la terre concédée. Si la coupe rase n’était pas été pratiquée sur 50% de la surface du lot, l’INCRA pouvait considérer qu’il n’y avait pas eu mise en valeur de la terre. Les posseiros étaient donc incités à déforester pour montrer que la terre est utilisée à des fins productives, asseoir leurs droits sur le lot concédé, éviter les conflits fonciers et accéder à la propriété. Une fois réalisée l’installation, l’INCRA a pour mission de contrôler le respect des engagements par le posseiro, de documenter et de distribuer les titres [4].

Quelques années après le lancement du programme de colonisation conçu par le gou-vernement militaire, il devient clair que l’INCRA ne pourra pas répondre une demande croissante de terre, concéder des titres de propriété à tous les candidats et garantir l’im-plantation de services sociaux et de santé, d’écoles. Les infrastructures de transport, d’accès à l’électricité et à l’eau n’avaient pas suivi le rythme des implantations. L’Agence ne parvenait pas non plus à mobiliser des ressources financières suffisantes pour assurer une assistance technique et fournir des crédits à l’agriculture familiale. Le gouvernement militaire va donc décider de changer d’orientation en Amazonie. Il va fonder sa politique d’occupation de la région en encourageant une colonisation privée centrée sur le dé-veloppement de grands projets agricoles et d’élevage bovin. Les faiblesses en infra-structures de la région, les difficultés logistiques limiteront cependant les investis-sements.

L’occupation de la région amazonienne sur le modèle conçu pendant le régime militaire a provoqué un véritable chaos foncier et encouragé la déforestation. Elle a aussi entraîné la multiplication des conflits fonciers, le massacre de milliers d’Indiens et l’invasion de leurs terres. Les communautés traditionnelles de la région, les occupants familiaux ont été aussi victimes d’expropriation. A la fin du régime militaire en 1985, les conflits pour la terre sont encore plus violents que 20 ans plus tôt, notamment en Amazonie.

4. Populations et organisations de sans terre.

Comment une partie de la population rurale a-t-elle été privée d’accès à la terre à partir de la seconde moitié du XXe siècle ? Comment sont nés les mouvements qui reven-diquent un accès à la terre pour ces paysans et travailleurs agricoles paupérisés qu’ils vont regrouper et mobiliser à partir des années 1980 ? Pour répondre à ces questions, il faut évoquer la situation de l’agriculture brésilienne il y a soixante ans. Le secteur agri-cole est alors techniquement arriéré, improductif et socialement injuste. Les indices de productivité sont très bas, la pauvreté en milieu rural extrêmement élevée. Le Brésil est alors un importateur net de produits agricoles et alimentaires. L’exode rural est élevé parce que les campagnes n’offrent guère de perspectives aux jeunes générations. Le pays connaît par ailleurs un dynamisme démographique impressionnant. Entre 1950 et 1970, la population passe de 51,9 à 94,5 millions d’habitants (+82%). Les deux tiers des Brésiliens vivent à la campagne en début de période. Les ruraux ne représentent plus que 46,4% de la population vingt ans plus tard et moins du tiers en 1980.


Le défi majeur pour les autorités en charge de la politique agricole est d’accroître l’offre de denrées de base afin de couvrir les besoins d’une population de plus en plus urba-nisée. Au début des années 1970, l’Etat engage une stratégie de modernisation de l’agriculture. Le Brésil lance sa révolution verte. Le développement du crédit, des garan-ties de prix, des subventions vont permettre au secteur d’engager une mutation compa-rable à celle que connaissent à la même époque les agricultures de nombreux pays : intégration à l’économie de marché, mécanisation, recours aux intrants fournis par des industries spécialisées (semences, engrais, produits phytosanitaires), agrandissement et spécialisation des exploitations familiales, forte réduction du nombre d’actifs occupé. Cette modernisation touche aussi l’agriculture latifundiaire qui va devenir une agriculture d’entreprise, très capitalisée et à haute intensité technologique. Des complexes agro-industriels sont formés qui vont à la fois couvrir les besoins alimentaires d’une population très urbanisée et s’imposer sur les marchés internationaux. Le Brésil devient au début des années quatre-vingt-dix une puissance agro-alimentaire.

Dans la plupart des régions du pays, cette mutation va conduire les propriétaires de grands domaines et d’exploitations moyennes à rompre les relations traditionnelles qu’ils entretenaient avec les familles de travailleurs agricoles. Vivant sur des propriétés privées, ces familles ont longtemps pu exploiter pour leur propre compte des lots de terre. En échange, elles fournissaient l’essentiel de la main d’œuvre utilisée par les propriétaires sur les plantations de canne ou de café ou les grands élevages de bovins. La moder-nisation des années 1970-80 va entraîner l’expulsion de ces familles de moradores qui ne sont plus sollicitées que pour des travaux ponctuels. Dans le Sud du pays, les petites exploitations familiales sont très importantes au début des années 1960 [5]. Sur la région, la dynamique de modernisation de l’agriculture est organisée par des coopératives agricoles regroupant les exploitants. Elle va se traduire par une concentration des struc-tures foncières. Des familles très nombreuses qui vivaient modestement sur de petites structures ne peuvent pas envisager d’investir, d’accroître et de spécialiser la production, de contracter des emprunts et de s’intégrer aux complexes agro-industriels. Pendant un temps, (jusqu’à la fin des années 1970), ces familles modestes vont accepter de migrer vers le Nord et le Centre-Ouest, des régions peu mises en valeur où le gouvernement fédéral leur propose de s'installer. Pour de nombreux migrants, l’expérience sera un échec. A partir de 1980, nombreux sont les paysans déçus qui reviennent sur leurs Etats d'origine. Ils racontent leurs mésaventures en Amazonie ou ailleurs. La migration vers le Nord n'attire plus. Les laissers pour compte de la modernisation commencent à reven-diquer un accès à la terre sur les Etats où ils sont nés.

En 1984, les représentants d’organisations rurales, de syndicats et des membres de la Commission Pastorale de la Terre se réunissent dans le Paraná pour créer le Mouvement des Sans Terre (MST). Depuis le début de la décennie, des initiatives d’occupation d’ex-ploitations agricoles se sont multipliées dans le Sud du pays [6]. Les leaders entendent contraindre ainsi les autorités à appliquer la législation, à exproprier des domaines jugés improductifs et à redistribuer les terres acquises. Le mot d’ordre affiché d’emblée par le MST ("la terre ne se gagne pas, elle se conquiert") est offensif. L’organisation donne la priorité aux occupations de propriétés et la création de campements réunissant les sans terre. Elle entend multiplier les actions spectaculaires, accroître son audience auprès du reste de la population, obtenir le soutien des formations politiques de gauche, faire de la question de la réforme agraire un thème central du débat public national.



Campement d'occupation d'un domaine agricole dans le Rio Grande do Sul (1980).

Un secteur alors très important de l’église catholique participe à l’émergence de cette nouvelle mobilisation sociale, relaie ses actions spectaculaires et les soutient. L’urba-nisation rapide, la modernisation en cours de l’agriculture affaiblissent considérablement la base sociale de l’institution. C’est par le biais de communautés de base très implantées au sein de la paysannerie dans le Sud que l’église de la "théologie de la libération" [7] conserve encore une forte capacité d’influence sociale et politique. C’est au sein d’un milieu rural structuré autour du modèle d’exploitation familiale que sont recrutés les membres du clergé. Tout un courant de l’action catholique en milieu rural rejette une dy-namique d’intensification de la production agricole qui se traduit par un effritement des relations sociales traditionnelles, par l’essor de l’économie de marché, par l’intégration de la paysannerie au capitalisme industriel et la marginalisation d'une partie du monde rural.

Né à la fin du régime militaire, le Mouvement des Sans Terre va progresser en influence avec le retour à la démocratie. Lors de son premier congrès national en 1985, le MST adopte une nouvelle plateforme de revendications en exigeant l’expropriation de toutes les propriétés de plus de 500 hectares, une refonte complète du statut de la terre de 1964 et l’adoption de nouvelles lois favorisant les petites exploitations familiales et une redistribution massive du foncier agricole. Sous la Présidence Sarney (1985-1989), alors que le gouvernement fédéral lance son premier plan national de réforme agraire, le MST multiplie les occupations. Ainsi, à la fin 1986, on recensait plus de 90 campements dans le pays, principalement sur le Sud, le Sud-Est et le Centre-Ouest. Le mouvement com-mence à avoir une véritable dimension nationale. Pour promouvoir sa cause, attirer l’attention des médias et sensibiliser l’opinion publique, le MST ajoute aux occupations de propriétés agricoles des marches vers les capitales des Etats fédérés et Brasilia, des ras-semblements à caractère religieux. Il devient une force politique avec laquelle les insti-tutions doivent désormais compter [8].

Cette mobilisation suscite aussi une réaction des exploitants, des entrepreneurs et des propriétaires de domaines engagés dans la modernisation du secteur agricole. Avec l’an-nonce d’un premier plan national de réforme agraire, les organisations professionnelles (syndicats locaux, confédération nationale, coopératives) sont pressées par leurs adhé-rents de s’engager sur le terrain politique pour freiner l’ampleur de la réforme agraire et réagir à la stratégie d’occupation souvent offensive conduite par le MST et d’autres mouvements concurrents qui apparaissent [9]. Sur plusieurs réactions, cette réaction passe par la création de milices, la multiplication d’actions armées qui vont accroître le climat de violence dans les campagnes. Dans toutes les régions du Brésil, toute la profession agricole organisée (y compris les coopératives du Sud qui regroupent des ex-ploitants familiaux) manifeste son hostilité à une politique de redistribution du foncier, source d'une insécurité juridique.

Le premier plan national de réforme agraire sera d’ampleur limitée. Les organisations de sans terre amplifient alors la mobilisation, deviennent plus offensives. Les occupations de propriétés se multiplient sur la décennie 1990 et le MST s’impose comme le grand or-donnateur de ces opérations. Ainsi, en 1997, sur les 25 371 familles vivant dans les campements et recensées par l’INCRA, 20 297 étaient encadrées par le Mouvement des Sans Terre. La même année, ce dernier lance une marche nationale des sans terre. Partis de toutes les régions, plusieurs cortèges convergent vers Brasilia. Le gouvernement FH. Cardoso (1994-2002) tente de répondre à la pression en multipliant les expropriations et l’affectation de terres du domaine public à la réserve foncière destinée à permettre une redistribution. Le MST et les organisations de sans terre concurrentes sont alors confron-tées à un nouveau défi. Il ne s’agit plus seulement de multiplier les campements au bord des routes ou sur les exploitations occupées. Il ne s’agit plus de faire de la réforme agraire un thème politique central. Le nombre d’installations officielles de sans terre sur les assentamentos (lots de terres délimités par l'INCRA où l'agence installe les allo-cataires de terres) augmente. Il faut désormais gérer ces lotissements et mettre en œuvre un modèle d’organisation économique qui permette aux bénéficiaires de parcel-les de vivre de leur production, d’améliorer leur situation sociale. A la fin des années 1980, le MST préconise le recours à un mode associatif d’organisation de la production. A partir de 1989 émergent des coopératives de production sur les assentamentos. Ces coopératives doivent apporter aux paysans une assistance technique, faciliter les in-vestissements, la transformation et la commercialisation. Elles doivent permettre aux bénéficiaires de la réforme agraire de vivre de l’activité agricole, d’améliorer les conditions de vie de leurs familles.

A l’origine, le MST était animé principalement par les descendants des petits exploitants familiaux du Sud victimes de la modernisation agricole, de fermiers, d’anciens moradores ou métayers. Devenu une organisation nationale, il élargit sa base de recrutement en mobilisant des salariés agricoles sans emploi et des chômeurs de toutes origines qui imaginent que la participation aux initiatives d’occupation puis l’accès à la terre après l’installation peuvent leur ouvrir de nouvelles perspectives d’activité et d’insertion sociale. Le MST renforce d’ailleurs l’attractivité des assentamentos en investissant fortement dans l’éducation des enfants et des adultes bénéficiaires de lots de terre. Il crée des écoles qui seront reconnues par les autorités. Cet accent mis sur la formation, la constitution de coopératives et d’association de production ont un objectif. Il s’agit de montrer aux pou-voirs publics et à la population dans son ensemble que la réforme agraire est un levier de développement économique et social. Il s’agit aussi de renforcer la capacité d’orga-nisation de la force politique nationale que devient le MST.



Un prochain article sera consacré à la mise en oeuvre de la réforme agraire après le retour à la démocratie en 1985. Viendra ensuite un texte proposant une esquisse de bilan de la réforme agraire impulsée par le MST. Suivra un article sur les objectifs politiques des mouvements qui entendent encore aujourd’hui promouvoir une redistribution du foncier agricole.


(à suivre)

 

[1] En 1965, le gouvernement promulguera un nouveau Code Forestier. Cette loi va créer deux limitations à la mise en valeur et à l’exploitation de la propriété rurale privée : les Aires de Préservation Permanente (APP) et la Réserve Légale. Tout propriétaire doit préserver les aires écologiquement fragiles comme les marges des rivières et maintenir la végétation d’origine sur un pourcentage déterminé de la surface de sa propriété (Réserve Légale). Ce pourcentage varie selon les régions du pays. [2] Avant d’installer les familles de colons, l’INCRA devait assurer une discrimination claire et précise des "terras devolutas", fédérales, identifier les occupations légitimes et réintégrer au domaine public fédéral les terres occupées illégalement. Ainsi, 120 ans après la promulgation de la Loi des Terres de 1850, le pouvoir fédéral tentait une fois de plus de distinguer les terres publiques et les terres privées. Jusqu’à ce jour, cette tentative et celles qui ont suivi ont été vaines. [3] Ce décret-loi concernait les "terras devolutas" situées en bordure des routes déjà construites, en construction ou projetées. Les 18 axes routiers (existants ou planifiés, plusieurs n’ont jamais été construits) représentaient une extension de 24 000 km. Avec ce texte, le gouvernement central réincorporait au domaine public fédéral près de 480 mil-lions d’hectares (8,7 fois la superficie de la France métropolitaine), consi-dérés comme indispensables à la sécurité et au développement de la nation. [4] L’INCRA ne délivre un titre de propriété définitif qu’après avoir réalisé des inspections qui permettent d’attester que la famille occupe et exploite les parcelles concédées. [5] Le modèle d’exploitation familiale qui domine dans le Sud est liée à l’occupation de la région par des émigrants européens (allemands, italiens, polonais, ukrainiens) à qui l’Etat va concéder des lots de terre à partir de la fin du XIXe siècle. Les émigrants ont implanté au Brésil le système des coopératives agricoles qu’ils avaient connu dans leurs pays d’origine. Ce modèle d’agriculture familiale a aussi existé dans d’autres régions du pays comme le Sud-Est. Dans l’Etat de São Paulo, avec la crise du café des années trente, les caféiculteurs traditionnels très endettés devront vendre leurs domaines en lots. Ces lots ont alors été acquis par des producteurs agricoles qui n’étaient pas propriétaires auparavant. [6] La mobilisation des agriculteurs qui ont perdu leurs terres ne se traduit pas seulement par des occupations de grands domaines ou de propriétés. Plusieurs mouvements de ruraux vont se constituer entre la fin des années 1970 et 1984 autour de la construction du barrage d’Itaipu, dans le Paraná. L’érection du barrage permet la création d’un lac immense (1350 km2) et des pertes de terres agricoles équivalentes. [7] La théologie de la libération est un courant de pensée théologique chrétienne né dans les années soixante dans plusieurs pays d’Amérique latine. Ses créateurs utilisent le marxisme comme instrument d’analyse et d’observation des réalités sociales. Ils prônent la libération des peuples et le retour à la tradition chrétienne de solidarité avec les pauvres. Très influent dans le monde rural brésilien, ce courant de pensée sera durement combattu par le Saint Siège à partir de la nomination du pape Jean-Paul 2, en 1978. [8] Les mobilisations de mouvements de sans terre contraignent le gouvernement fédéral à décreter une série d’expropriations de grands domaines. Il intervient aussi pour lutter contre la violence qui se répand dans les campagnes en imposant le désar-mement de milices. Sous la pression du MST, le gouvernement Sarney crée un pro-gramme spécial de crédit pour les installations de paysans sans terre (assentamentos). [9] En 1985, au début de la Présidence Sarney, un rassemblement de grands exploitants agricoles crée l’Union Démocratique Ruraliste (UDR). Très conservatrice, positionnée à droite de l’échiquier politique, l’UDR prôle un strict respect du droit de propriété et refuse toute réforme agraire.

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