Privatisations : résistances et obstacles.
La privatisation des entreprises publiques fédérales n’est pas une opération instantanée, qui dépendrait de la seule volonté de l’exécutif. Le gouvernement doit respecter une procédure organisée en plusieurs étapes. A l’issue de la première de ces phases, une structure interministérielle, le Conseil des Partenariats d’Investissements doit recom-mander ou non d’inclure telle ou telle entité dans le programme national de Privatisation. L’inclusion est officialisée au cours d’une seconde étape par un décret présidentiel. La réglementation prévoit que le gouvernement mobilise alors la Banque Nationale de développement (BNDES) qui doit alors engager des études destinées à évaluer le prix de cession des actifs et les conditions de privatisation (juridiques, sociales, financières). Une fois les études terminées, le Conseil des Partenariats d’investissements doit approuver ou rejeter les propositions du BNDES (la structure interministérielle peut conclure que tel ou tel projet est inviable). La quatrième phase est celle du lancement des appels d’offre. Suit la phase d'’étude et de sélection des propositions de soumissionnaires. Enfin, une fois l’acquéreur choisi, les modalités de prise en charge des actifs sont arrêtées.
Le projet de privatisation de l’entreprise EBCT mentionné dans l'article précédent est entré en fin 2019 dans la phase 2 de ce processus. Depuis octobre 2019, la Banque Natio-nale de Développement et des consultants spécialisés conduisent les études qui doivent définir les modalités de partage du capital de la compagnie de services postaux : transi-tion vers un statut de société d’économie mixte (avec une simple ouverture du capital), cession limitée à certaines filiales, mise en vente de l’ensemble des actifs ou, éventuel-lement, liquidation pure et simple. Ces audits doivent aussi aboutir à la définition d’un ca-lendrier réaliste de mise en œuvre des évolutions proposées.
Le pouvoir législatif doit se prononcer.
La procédure de privatisation se limite au schéma qui vient d’être décrit pour la cession de filiales de groupes publics et l’ouverture du capital de ces derniers lorsque les action-naires privés restent minoritaires. Une décision de la Cour Suprême (le STF) en date de juin 2019 a en effet établi que le gouvernement fédéral peut alors décider seul de la mise en vente des entreprises concernées et de la cession d’actions. Il n’a pas à solliciter l’aval du Congrès. Il est dégagé de l’obligation de recourir à une procédure d’appel d’offres. La même décision de la plus haute instance juridique souligne cependant que dans les autres scénarios (privatisation de l’ensemble d’une compagnie ou d’une holding, passage à un statut d’économie mixte avec cession de plus de 50% du capital), l’exécutif doit soumettre un projet de loi au Congrès. La décision de privatisation ne peut alors être prise sans un vote favorable des deux Chambres. Si le projet de cession d’actifs remet en cause des dispositions inscrites dans la Constitution, l’exécutif doit présenter aux assem-blées législatives une proposition d’amendement constitutionnel. Il faut alors que cette proposition soit adoptée par une majorité qualifiée réunissant les 3/5 des députés et des sénateurs au terme d'un scrutin à deux tours.
Pour de nombreux spécialistes, la décision du STF ne devrait pas empêcher l’exécutif de mener à bien les procédures de transfert de propriétés de compagnies publiques mineu-res comme l’Agence Brésilienne d’Assurance sur les crédits à l’exportation (ABGF) ou le marché de gros de Sao Paulo (CEAGESP). En revanche, le processus de privatisation des services postaux ou celui du groupe Eletrobras ne pourront pas éviter l’étape délicate, longue et...problématique des délibérations et des votes au Congrès. Selon la consti-tution de 1988, l’Etat fédéral doit assurer un service postal universel. Il est seul compé-tent pour définir les modalités légales d’organisation et de fonctionnement de ce service. Dans ces conditions, une éventuelle privatisation d’EBCT allant au-delà d’une simple ouverture du capital à des actionnaires minoritaires doit faire l’objet d’une proposition d’amendement constitutionnel, être débattue par les deux Chambres et être approuvée par la majorité qualifiée des députés et sénateurs au terme de scrutins à deux tours.
L’autre grand projet immédiat de l’exécutif, la privatisation d’Eletrobras, a fait l’objet d’un simple projet de loi, envoyé au Congrès en novembre 2019. L'Etat va céder ses parts, par le biais d'une augmentation de capital et d'une souscription publique d'actions, afin de ne plus être majoritaire au capital de la holding. Dans le cas du premier fournisseur d’électricité du pays comme dans celui de toutes les entreprises publiques dans lesquelles l’actionnaire public céderait la majorité au capital ou toutes ses parts, l’inter-vention du Congrès n’est évidemment pas une étape mineure. Elle signifie que les pro-cédures de privatisation intègrent un débat et des arbitrages politiques. Le gouver-nement Bolsonaro se heurte ici à un obstacle majeur. Au terme des élections d’octobre 2018, les deux Chambres du Congrès ont été rénovées et les formations de la droite et du Centre qui sont en principe favorable aux privatisations ont gagné de nouveaux sièges. Le Chef de l’Etat et ses alliés les plus fidèles ont cependant fait le choix d’ignorer les exigences du "présidentialisme de coalition" et n’ont pas construit de majorité parle-mentaire stable (voir notre article "Le pari risqué des opposants à Bolsonaro", de novembre 2019). Pire : Jair Bolsonaro a provoqué une crise au sein du parti qui l’avait sou-tenu en 2018 et créé en octobre dernier une nouvelle formation non représentée au Congrès. Les conflits au sein de la "mouvance bolsonariste" sont désormais innombra-bles et nul ne peut prévoir comment se comporteront dans l'avenir les parlementaires d’extrême droite et de droite lors de votes majeurs au Congrès.
Les Députés et Sénateurs de tous bords sont évidemment très sensibles aux réactions et aux pressions exercées par de nombreux secteurs de la société civile. Considérons ici encore les deux projets évoqués plus haut. Les quelques 100 000 agents d’EBCT sont très bien organisés et leurs syndicats ont déjà multiplié les contacts avec les parle-mentaires pour dénoncer une privatisation qui signifierait la perte de nombreux avanta-ges acquis, voire des suppressions d’emplois. Les députés ont aussi organisé sur les derniers mois des consultations publiques destinées à évaluer le risque d’abandon du principe d’universalité du service postal que créerait une éventuelle privatisation totale d’EBCT. La menace brandie par les élus opposés à toute ouverture du capital et transfert de propriété est celle d’un abandon par la nouvelle entreprise chargée du courrier des communes où les opérations d’EBCT sont déficitaires. Ces localités seraient au nombre de 5246 sur un total de 5570. De tels pronostics ne peuvent pas laisser les élus et les exécutifs municipaux indifférents[1]…
Le maintien du contrôle de l’Etat sur des holdings comme Eletrobras est défendu en utilisant des arguments semblables. Des groupes de pressions cherchent l’appui des élus locaux et des exécutifs régionaux (gouverneurs des Etats, maires) et motivent ces derniers pour qu’ils interviennent auprès des parlementaires. Ils soulignent que les activi-tés du groupe public Eletrobras ont une dimension stratégique en matière de dévelop-pement régional. Dans le Nord et le Nord-Est, les tarifs préférentiels de l’électricité proposés par les filiales du groupe constitueraient une contribution décisive à l’essor économique de zones défavorisées. Les investissements réalisés par Eletrobras dans le domaine des énergies renouvelables (le groupe dispose d’un parc d’éoliennes très im-portant) pourraient être remis en cause par un repreneur privé. La gestion des lacs artifi-ciels et des écluses qu’assurent les filiales d’Eletrobras sur plusieurs des 48 centrales hydroélectriques exploitées serait probablement revue et pourrait nuire à la navigation fluviale. La sécurité même des barrages ne sera plus garantie si l’exploitation de ces infrastructures est confiée à un opérateur uniquement motivé par la rentabilité financière. On pourrait poursuivre à l’envie l’énumération des arguments de bonne ou de mauvaise foi utilisés par les opposants à la privatisation.
L'usine hydroélectrique de Tucurui (Etat du Pará) exploitée par une filiale d'Eletrobras.
En année électorale (un scrutin municipal majeur aura lieu en octobre 2020), les élus de tous bords ne sont pas insensibles aux débats passionnés et souvent passionnels que déclenchent les projets de privatisation. Même les parlementaires qui affichent des idées libérales restent sensibles à une forme particulière de patriotisme économique chère aux formations de gauche et qui présente les entreprises publiques comme un patrimoine national inaliénable. Ils hésitent ou se renient lorsqu’ils perçoivent que le transfert de pro-priété, la confrontation des entreprises aliénées aux lois du marché, l’adoption de métho-des de gestion efficaces signifient aussi l’effritement d’un capitalisme de rente, l’affaiblis-sement du clientélisme, la réduction de la sphère d’influence des élus. La cohérence idéologique peut alors s’affaiblir. Les bonnes résolutions cèdent face aux pressions de leaders politiques locaux, de corporations, de lobbys dont il vaut mieux se concilier les faveurs et les appuis pour assurer sa propre survie politique. Les plus fervents des "libé-raux" peuvent également être sensibles aux arguments pourtant très discutables d’une foule d’intellectuels universitaires confondant souvent leur propre idéologie avec une expertise sereine et indépendante s’acharne à propager[2].
Comment le Congrès élu en octobre 2018 se positionnera dans les prochains mois ? Le gouvernement aurait tort de croire que l’approbation de la privatisation des services postaux et de celle d’Eletrobras seront des procédures faciles. En octobre 2019, un insti-tut d’études d’opinion a conduit une enquête auprès d’un échantillon représentatif de 247 députés et sénateurs. De façon générale, les parlementaires consultés estiment que le Congrès actuel est plutôt favorable aux privatisations. Selon les élus interrogés , à peine une minorité de députés et de sénateurs (3,2% de l’effectif total) serait radicalement op-posés à la désétatisation. Pourtant, l’analyse des résultats de l’enquête parti par parti montre que les positions sont beaucoup plus nuancées. Au sein même des formations de droite et du centre, le groupe le mieux représenté est celui des parlementaires favorables à des privatisations ponctuelles et limitées. Lorsque les députés et sénateurs sont appelés à se positionner par rapport à des exemples précis de groupes publics, le "libéralisme" des deux chambres devient très relatif. En octobre 2019, 57,5% des membres du Congrès se montraient favorables à la privatisation des services postaux…mais 7,8% avouaient ne pas avoir d’opinion définie sur le sujet. La privatisation d’Eletrobras ne réunit pas une majorité confortable. Les élus favorables représentent 50,5% des membres des deux Chambres. Pour l’emporter sur ces deux dossiers, le gouvernement devra accepter de sérieux amendements, manifester des capacités de négociation et séduire les hési-tants. Autant de talents qu’il n’a guère révélé en 2019. A moins de bénéficier à nouveau d’un appui résolu des Présidents des deux Chambres, il est très probable que l’exécutif doive attendre la fin de 2020 ou le début de 2021 pour avancer sur les deux dossiers d’EBCT et d’Eletrobras.
Quant à la privatisation des "outils" majeurs de l’Etat entrepreneur que sont les banques publiques nationales et Petrobras, Paulo Guedes devra sans doute oublier ses ambitions ou se contenter de désinvestissements limités. L’enquête réalisée en octobre 2019 mon-trait que le pourcentage des élus favorables à la privatisation du groupe pétrolier approchait les 31%, qu’il atteignait 24,8% dans le cas de la seconde banque du pays et 23,8% pour la Caixa Econômica Federal. Le ministre de l’économie doit aussi considérer que l’opinion publique en général est probablement encore plus rétive que les élus du Congrès[3].
Des actifs attractifs ?
Les obstacles aux privatisations ne se trouvent pas uniquement du côté des institutions publiques brésiliennes. Ils ne sont pas seulement liés à la complexité des procédures de mise en vente, aux aléas de la vie parlementaire et des relations compliquées entre l’exécutif et les instances législatives. Ils tiennent aussi à l'attitude et au regard que portent les investisseurs, éventuels acquéreurs. Comment ces derniers, qu'ils soient Brésiliens ou étrangers, évaluent-ils la stratégie de Paulo Guedes et du gouvernement Bolsonaro ? Sont-ils aussi enthousiastes et impatients que les représentants de l'Etat fédéral brésilien ? La plupart des projets de transfert d’actifs sont aujourd’hui insuffisam-ment élaborés pour que des repreneurs éventuels affichent des jugements définitifs ou envisagent des propositions. Plusieurs considérations permettent cependant d’imaginer que les offres ne seront pas à la hauteur des espérances du gouvernement en termes de prix et d'affluence des candidatures.
Face aux offres de n’importe quel vendeur d’actifs, un investisseur privé définit un prix d’achat en utilisant deux approches. La première consiste à estimer la rentabilité de l’in-vestissement envisagé dans l’avenir. La seconde considère l’atout que peut conférer rapidement l’acquisition de l’actif à son nouveau propriétaire sur le marché où il opère ou envisage d'opérer. A l’aune du premier critère, de nombreuses entreprises publiques brésiliennes ne sont pas bien positionnées dans la mesure où elles ont souvent accu-mulé dans un passé immédiat des résultats négatifs. Les profits envisageables dans l’avenir sont incertains[4]. Ces constats signifient que les soumissionnaires à des appels d’offre éventuels ne seront pas généreux sur les prix et que leurs propositions seront certainement inférieures aux valeurs anticipées par les pouvoirs publics.
Manifestation des salariés de Petrobras contre la privatisation d'une raffinerie.
(nous ne sommes pas à vendre).
Quant aux atouts que les entreprises publiques brésiliennes pourraient représenter sur un marché émergents important, ils doivent être relativisés. Sur le terrain social, les repreneurs éventuels vont devoir assumer la gestion d’effectifs de salariés souvent pléthoriques. Ils savent aussi qu’ils devront composer avec des organisations syndicales puissantes. Ils savent encore qu’ils susciteront a priori l’hostilité de travailleurs parfois très politisés et qui sauront utiliser toutes les subtilités d’un droit du travail complexe pour défendre les avantages acquis… Quant aux outils de production, les capacités d’inno-vation et les performances techniques d’un groupe comme Petrobras sont un peu l’ex-ception. De nombreux acteurs du secteur publics n’ont pas été en mesure d’investir à la hauteur des besoins ces dernières années. Les repreneurs éventuels savent donc qu’ils devront rapidement compenser les retards s’ils veulent disposer d’équipements perfor-mants et comparables à ceux qu’utilisent les concurrents. L’amélioration de la gestion sur le terrain social (la réduction des interférences politiques, le primat donné à l’efficacité et à la compétence, l’adaptation des ressources humaines), la modernisation des outils de production ne sont pas des opérations qui se réalisent en quelques mois. Ces simples considérations peuvent conduire de nombreux acquéreurs potentiels à préférer le statut de rentiers sans pour autant délaisser le Brésil. Pourquoi envisager d’investir plusieurs centaines de millions de dollars dans la reprise d’une entreprise publique avec des pers-pectives de rentabilité incertaines (et souvent nulles à court terme) lorsque des place-ments financiers à la bourse de São Paulo ou l’acquisition de titres de la dette publique assurent un rendement substantiel ?
Dans le contexte brésilien, les opérations de privatisations sont aussi rendues difficiles en raison même de l’instabilité de l’environnement juridique et politique dans lequel elles interviennent. Une fois l’acquisition d’actifs réalisée, le repreneur se trouve confronté souvent à des comptes d’entreprise mystérieux et qu’il faut auditer en profondeur pour éviter de mauvaises surprises. Légalement, l’entreprise privatisée est en effet encore res-ponsable pénalement pour les malversations qui auraient été commises par les anciens dirigeants …publics. Imaginons par exemple qu’Eletrobras soit privatisée en 2020 et qu’en 2022 une enquête mette à jour un énorme scandale de détournement de fonds remon-tant à 2017. Le nouvel acquéreur sera doublement pénalisé. D’une part, l’image de l’entreprise qu’il tente de remettre à flots sera une fois de plus affectée. D’autre part, il devra assumer le paiement de lourdes amendes[5]. Les investisseurs intéressés par les opérations en cours de privatisation s’interrogent donc naturellement : combien de scan-dales de corruption ont pu être commis au sein d’EBCT, d’Eletrobras, d’entreprises de transport, de ports, d’aéroports et d’autres entreprises publiques qui n’ont pas encore été découverts et ne font pas l’objet de prescription ?
Les années récentes ont montré que l’instabilité politique n’était pas une fiction. Reve-nons un instant aux élections présidentielles de 2014. Qui aurait alors imaginé que le Brésil allait connaître moins de deux ans après une procédure de destitution, que l’opé-ration judiciaire dite "lavage-express" déboucherait sur la condamnation et l’empri-sonnement de deux ex-Présidents de la République et d’un ancien Président de la Chambre des députés ? Qui aurait pu pronostiquer la récession historique que le pays a traversé entre 2014 et 2017 ? La crise politique que vit le Brésil depuis ce scrutin de 2014 a renforcé l’instabilité du système institutionnel. Elle rend les efforts de prospective par-ticulièrement difficiles. Les risques sont considérables pour ceux qui investissent aujour-d’hui. Ainsi, la renationalisation des actifs transférés au secteur privé n’est pas une hypo-thèse invraisemblable. En 2018, lors de la campagne présidentielle, le candidat de centre-gauche Ciro Gomes a fait une promesse inquiétante. S’il était élu, il procéderait à l’annulation des contrats d’exploitation de ressources pétrolières qui avaient été conclus entre le gouvernement sortant et des opérateurs privés. Il promettait bien sûr aux investisseurs ainsi floués une "juste indemnisation"…Il se gardait bien évidemment de pré-ciser comment serait établie cette "juste indemnisation"…
Plus récemment, devenu Président, Jair Bolsonaro a montré qu’il pouvait changer d’o-rientation très rapidement, prônant un jour le respect du principe de la liberté des prix, revenant le lendemain sur cette résolution et contraignant son ministre de l’économie à intervenir pour geler le prix intérieur des carburants alors que le cours de l’or noir flam-bait. Qu’il s’agisse de questions économiques ou d’autres sujets, le chef de l’Etat reste un candidat antisystème, méprisant les règles établies et les institutions représentatives, assurant qu’il entend défendre le peuple contre l’establishment…Ce populisme autoritaire génère une insécurité juridique supplémentaire pour les investisseurs éventuels. Le chef de l’Etat aura finalement tout fait depuis un an pour rendre improbables des privati-sations qui s’annonçaient déjà difficiles…
(à suivre : 2020 : une année déjà perdue ?).
[1] La pression des syndicats et celle des élus locaux par rapport à un projet de privatisation du service postal n’est pas une nouveauté. En 1999, le gouvernement Fernando Henrique Cardoso avait envoyé au Congrès une nouvelle loi postale prévoyant la privatisation d’EBCT. Les arguments de risque de rupture du principe d’universalité, le lobbying des organisations syndicales avaient conduit les parlementaires a rejeter le projet.
[2] Ces universitaires affirment par exemple que dans les pays pauvres la croissance économique doit être induite par l’action d’un Etat contrôlant des acteurs économiques dans les secteurs stratégiques et poussant ceux-ci à investir. Une analyse sérieuse de l’expérience des nations qui sont effectivement sorties de la pauvreté depuis quelques décennies conduit à relativiser l’importance de cette "induction". Au sein et au-delà de cercles universitaires, la défense d’un puissant secteur public est justifiée au nom de la sauvegarde la souveraineté nationale et de la lutte contre le capital étranger exploiteur. Etranges arguments. Une entreprise privée nationale ou étrangère cherche avant tout à obtenir de bons résultats économiques et satisfaisant ses clients. Cela vaut pour le téléphone, la distribution d’électricité, l’extraction minière ou la vente de carburants…Quant à l’argument de l’exploitation, il est malheureusement facile de constater qu’au cours des vingt dernières années les consommateurs et contribuables brésiliens ont été effectivement exploités…. par les grandes firmes publiques comme Petrobras ou Eletro-bras.
[3] Selon une enquête d’opinion réalisée en septembre 2019, le pourcentage de la population favorable aux privatisations d’entreprises publiques a augmenté entre 2017 et 2019, passant de 20 à 25%. Ce groupe reste minoritaire. Sur 10 brésiliens 6,7 sont contre (contre 7 en 2017). Concernant la privatisation des services postaux, la part des Brésiliens favorables est d’un tiers, contre 60% contre. C’est l’exemple pour lequel le taux des opi-nions favorables est le plus élevé…L'étude montrait également que même les électeurs qui avaient voté pour le candidat Jair Bolsonaro au second tour du scrutin présidentiel de 2018 sont très partagés.
[4] La perspective d’une refonte de la fiscalité prévue sous l’actuelle législature vient accroître cette incertitude.
[5] La législation permet ainsi d’éviter que les crimes de corruption ou des malversations financières soient sans conséquence une fois que l’entreprise a changé de propriétaire. Si ce "risque de la corruption passée" n’existait pas, les cadres ou responsables politiques corrompus pourraient céder facilement à d’autres entreprises publiques le contrôle des firmes au sein desquels les dispositifs de détournement de fonds ont été montés. On assisterait alors à un jeu permanent de chaises musicales qui aboutirait à laver les crimes de tous les acteurs. .
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