La Chine n’est pas seulement aujourd’hui le premier partenaire commercial du Brésil. Elle est aussi un des premiers investisseurs étrangers, rivalisant avec les Etats-Unis et les grands pays de l’Union européenne. Les entreprises chinoises publiques et privées ont commencé à réaliser des investissements directs au Brésil à partir de la fin des années 2000. Selon les travaux d’experts américains qui analysent et enregistrent les investisse-ments directs à l’étranger des opérateurs chinois [1], le flux destiné au Brésil atteint en valeur et en cumul près de 66,5 milliards de dollars entre 2006 et 2020. Sur ces 14 années, le Brésil est la première destination (38,8% des flux) choisie par les investisseurs chinois en Amérique du Sud, devant le Pérou, l’Argentine et le Venezuela.
Pour 70 % des opérations réalisées sur la période, les investissements directs de firmes chinoises au Brésil ont pris la forme de fusions et acquisitions. Les investissements greenfield (création de sites de production nouveaux) représentent 24% du total du capital investi et les joint-ventures 6%. Dans les principaux secteurs privilégiés pour investir, les acteurs sont presque toujours des groupes publics directement liés au gouvernement central chinois. Plusieurs motivations sont à l’origine des opérations réalisées au Brésil. Les firmes qui interviennent dans le domaine des matières premières (exploitation mi-nière, agriculture, pétrole et gaz) cherchent à sécuriser des approvisionnements destinés au marché chinois. C’est aussi en partie le rôle des banques chinoises qui ont installé des filiales au Brésil à compter de 2013 ou pris des participations dans le capital d’institutions financières locales. Plusieurs investissements sont cependant réalisés afin d’ouvrir des marchés aux fournisseurs chinois de biens d’équipement, de technologies de pointe (construction civile, transmission d’électricité, téléphonie, exploitation pétrolière) et de biens et services de consommation (construction automobile, appareils domestiques).
L’électricité et le pétrole.
Le secteur de l’énergie électrique (génération, transmission et distribution) a été depuis vingt ans le secteur privilégié par les firmes chinoises qui investissent au Brésil. L’apport en capital réalisé entre 2007 et 2020 atteint au total 26,87 milliards de dollars, soit 40,4% du total des flux d’investissements directs d’origine chinoise enregistré sur la période. Après le rachat par CITIC d’une centrale thermique à charbon en 2005, les grandes opé-rations ont sérieusement commencé en 2010. Il a ensuite suffi d’une décennie pour que les opérateurs chinois du secteur passent d’un rôle marginal dans ce secteur à celui d’un des principaux acteurs de la branche au Brésil. Cette évolution rapide a été possible grâce à une combinaison d’acquisitions d’actifs et de sites déjà existants et au lancement de nouveaux projets d’investissement. A la fin 2020, près d’une quinzaine d’acteurs chinois avaient investi ou étaient engagés sur des projets d’investissement dans la filière de l’électricité. Le segment privilégié par ces investisseurs est la génération d’électricité (plus de 80% des apports) et les sources renouvelables comme l’hydro-électricité, l’éolien et le solaire. Le partenaire chinois privilégie le Brésil en raison de l’abondance dans ce pays de ressources naturelles comme l’eau.
Sur la période évoquée ici, sept entreprises chinoises ont effectivement réalisé des pro-grammes d’investissement dans le secteur. La majorité des investissements réalisés en hydroélectricité est le fait de deux grands groupes publics chinois qui sont State Grid (la plus importante firme du secteur de l’électricité dans le monde, qui atteint un chiffre d’affaires de 340 milliards de dollars par an) et China Three Gorges [2]. A elles seules les deux firmes sont responsables de 20,13 milliards d’investissement au Brésil. Dans le segment de la génération d’électricité, le groupe China Three Gorges occupe déjà la seconde position à l’échelle du pays. Près de 48% de la génération d’hydroélectricité sur l’Etat de São Paulo dépendent d’opérateurs chinois. Les deux groupes cités et d’autres fir-mes chinoises ont gagné des appels d’offres pour construire des usines hydroélectriques et des lignes de transmission. Ainsi, State Grid a construit les longues lignes de trans-mission qui relient sur plus de 2000 km l’usine hydroélectrique de Belomonte (dans l'Etat du Pará, au Nord du pays) et Rio de Janeiro. Ces lignes sont des actifs stratégiques dans la mesure où elles permettent de réduire les goulets d’étranglement entre l’offre et la demande sur les grands pôles de consommation du Sud-Est. Les firmes en question ont encore apporté au Brésil une nouvelle technologie dite UHV, selon le sigle en anglais. Elles ont aussi acheté les actifs d’entreprises brésiliennes et étrangères du secteur électrique national. En 2019, les acteurs chinois assuraient 10% de la génération, 12% de la transmission et 12% de la distribution d’électricité dans le pays. L’engagement de ces groupes au Brésil repose sur trois ressorts : l’investissement direct, la construction de nouvelles capacités et l’offre de financements aux partenaires brésiliens.
Pourquoi cet intérêt des géants chinois du secteur pour le premier pays d’Amérique du Sud ? Il y a au moins trois réponses à cette question. La première est l’ampleur des res-sources énergétiques qui ne sont pas encore exploitées au Brésil et qui représentent autant d’opportunités pour des opérateurs qui veulent investir dans le secteur des éner-gies renouvelables. La seconde réponse est liée à la conjoncture macroéconomique qui prévaut au Brésil depuis 2014. La récession, la multiplication de scandales de corruption ont affaibli plusieurs concessionnaires nationales qui ont dû désinvestir pour améliorer une situation financière difficile. Cela a été le cas de la grande entreprise CPFL, acquise en deux étapes (entre fin 2016 et fin 2017) par State Grid (investissement total de 8,35 milliards de dollars). Cette conjoncture a été favorable pour les investisseurs étrangers qui, outre l’acquisition d’actifs, ont pu exporter des services (ingénierie) et des tech-nologies. On peut avancer une troisième réponse : la capacité des opérateurs chinois de s’adapter à la transition énergétique qu’engage le Brésil.
A partir de 2019, les investisseurs de la République populaire ont donné la priorité à des projets de production d’électricité éolienne et solaire. Rompant avec une tradition d’ac-quisition d’actifs et de prises de participations qui semblait établie, ils ont développé des programmes greenfield afin de montrer qu’ils pouvaient contribuer à l’exploitation des ressources naturelles. A l’horizon 2029, l’éolien doit représenter un tiers de la capacité additionnelle de génération d’électricité. La capacité éolienne était de 15,4 GW en 2019. Des études récentes ont montré que le potentiel national était de l’ordre de 880 GW. Sur les sites les moins bien ensoleillés du pays, il est possible de générer plus d’énergie so-laire que sur les lieux les plus ensoleillés de l’Allemagne, un des premiers Etats à investir aujourd’hui dans le solaire. Les investisseurs chinois montrent depuis plus de dix ans qu’ils ont la volonté d’exploiter le riche potentiel du Brésil en matière d’énergies renou-velables. Ils ont pris des engagements à long terme en participant au développement de sites de génération d’électricité. Ils vont certainement avoir un rôle décisif dans la diver-sification de la matrice énergétique du pays, dans le développement d’énergies vertes.
Navire d'exploitation des gisements du Pre-Sal livré au Brésil par la Chine.
Sur la période courant de 2007 à 2020, le second secteur privilégié par les investisseurs chinois est celui de l’extraction du pétrole et du gaz naturel. En valeur, il représente un peu plus du tiers des opérations réalisées au cours de ces treize années. La compagnie brésilienne est le principal acteur de la filière nationale du pétrole et du gaz. Après la découverte des gisements en eaux profondes du Pre-Sal au milieu des années 2000, la relation de la compagnie avec les acteurs chinois a évolué rapidement dans quatre di-rections. La Chine est devenue un débouché majeur. Entre 2006 et 2019, les exportations brésiliennes de pétrole brut vers la Chine ont été multipliées par dix. La part de la Ré-publique populaire dans les exportations brésiliennes d’or noir est passée dans l’intervalle de 12% à 71%. Les constructeurs navals chinois sont devenus des fournisseurs clés de plateformes d’exploitation pour le Brésil. Les banques de la République populaire partici-pent au financement de la compagnie brésilienne. Enfin, le développement de la pro-duction sur les 15 dernières années est étroitement lié au partenariat engagé entre Petrobras et trois majors chinoises : Sinopec, CNPC et CNOOC. Les trois firmes sont devenues des partenaires essentiels de la compagnie brésilienne. Au total, entre 2007 et 2020, elles ont investi 22,18 milliards de dollars dans l’extraction de pétrole et de gaz après avoir remporté plusieurs appels d’offres lancés par les autorités de Brasilia.
Mines, infrastructures et agriculture.
Le troisième secteur privilégié par les opérateurs chinois est celui de l’exploitation mi-nière et de la première transformation des minerais. Sur la période retenue ici (2007 à 2020), ces activités correspondent à 8,7% des flux d’investissements directs recensés (soit 5,78 milliards d’USD). Les principales opérations ont été le rachat en 2009 de MMX (firme brésilienne spécialisée dans l’exploitation de minerai de fer) par le groupe Wuhan Iron and Steel (WISCO), l’acquisition en 2010 de l’entreprise Itaminas (ferroalliages), une prise de participation en 2011 de 15% dans le capital de la Companhia Brasileira de Metalurgia e Mineração (CBMM) par un groupe de plusieurs opérateurs chinois (Citic Group, Anshan Iron & Steel, Baosteel, Shougang et Taiyuan Iron & Steel). En 2016, le groupe China Molybdenum Company (CMOC) s’est installé au Brésil en achetant deux mines de pro-duction de phosphate et de niobium qui appartenaient à la firme Anglo American.
Le quatrième secteur d’intervention majeur est celui de la construction et de la gestion d’infrastructures logistiques. Les opérations concernées représentent 5,8% des investis-sements réalisés entre 2007 et 2020, soit 3,84 miliards de dollars. A titre d’exemple, on peut citer ici la participation d’opérateurs chinois aux investissements destinés à viabiliser le développement du transport fluvial sur le bassin du fleuve Amazone, l’acquisition en 2017 de la Concremat (leader sur le marché brésilien de l’ingénierie en construction civile) par le groupe d’Etat chinois China Communications Construction Company (CCCC) et la prise de contrôle en 2020 d’un terminal portuaire de containers à Paranagua par la firme publique China Merchants Port. En 2021, la CCCC a engagé des travaux de moder-nisation du port de São-Luis au nord du Brésil…
Terminal de containers du groupe chinois CCCC sur le port de Paranaguá (Paraná).
Un cinquième secteur fait l’objet d’investissements significatifs sur la période : les acti-vités situées en amont et en aval de l’agriculture et les services liés aux activités agri-coles. Au total, la Chine aurait investi pour 2,71 milliards d’USD (4% du total) entre 2007 et 2020, sur plusieurs filières, dont le soja. Ce poids relatif assez faible de la branche agricole dans les investissements chinois a plusieurs explications. La première est liée à la législation sur la propriété de la terre qui limite les acquisitions de foncier par les étrangers [3]. La seconde est liée au fait que de grandes entreprises chinoises ont dé-veloppé leurs activités en aval après avoir repris les actifs de firmes étrangères. C’est ce qu'a réalisé le groupe COFCO (China National Cereals, Oils and Foodstuffs Corporation), un mastodonte crée par l’Etat chinois en 1949. Grâce à sa filiale COFCO international (chargée des importations et des exportations chinoises de produits agricoles), le groupe a bâti ses activités à l’étranger en faisant l’acquisition en 2014 de la firme hollandaise Nidera (trader en céréales) puis de Noble Agri, la filiale agricole de Noble group. Ces opérations ont donné à COFCO un accès aux grandes régions agricoles de la planète, dont le Brésil. Une autre opération indirecte qui a renforcé la présence chinoise sur les filières agricoles brésiliennes a été l’acquisition en 2017 de Syngenta par la firme publique Chem-China. Au Brésil, COFCO dispose de 19 sites de stockage de grains qui repré-sentent ensemble une capacité statique de 1,4 million de t. (dont 70% dans le Mato Grosso, premier Etat agricole du pays, premier fournisseur de soja). Sur le marché national des grains, la firme chinoise est devenue un sérieux concurrent des grands du négoce que sont Bunge, Dreyfus, ADM ou Cargill. Elle utilise la même stratégie que ses concurrents : elle cherche à fidéliser les agriculteurs en fournissant à ces derniers avant l’installation des cultures les intrants et engrais dont ils ont besoin. Avec ce système dit de barter (troc), les agriculteurs paient leurs fournisseurs a posteriori en leur livrant à la récolte des volumes prédéfinis de soja ou de céréales.
La stratégie de barter est aussi pratiquée par d’autres entreprises plus proches des agri-culteurs que les grands chargeurs et qui interviennent à la fois comme fournisseurs (d’équipements, d’intrants) et comme collecteurs : les revendas. Ces opérateurs com-binent à la fois les métiers et l’organisation d’une grande distribution spécialisée et de né-gociants agricoles de premier rang. Grâce au barter, ils garantissent simultanément leurs ventes d’intrants (ou d’équipements) et leurs approvisionnements en grains. Créée dans le Mato Grosso, la société Fiagril est une des grandes revendas du pays. Elle exploite à la fois un vaste réseau de points de vente d’intrants/équipements, plusieurs sites de ré-ception et de stockage de grains et des unités de production de biodiesel. En 2016, pour 290 millions d’USD, le groupe chinois Dakang, originaire de la province du Hunan, a fait l’acquisition d’une part majoritaire de 57% dans le capital de Fiagril. L’année suivante, le même groupe devenait actionnaire majoritaire de Belagrícola, une société installée dans le Paraná, intervenant à la fois dans la commercialisation d’équipements et d’intrants agricoles ainsi que dans la collecte et le négoce de grains. Belagrícola dispose de silos représentant une capacité statique de stoc-kage de 1,5 millions de t. de grains. L’acqui-sition de revendas a pour les agro-industries chinoises plusieurs avantages. Ces investis-seurs prennent le contrôle de firmes locales que les exploitants agricoles connaissent bien (la gestion est laissée à des acteurs brésiliens). Ils acquièrent ainsi une connaissance directe des réalités agricoles brésiliennes et deviennent des partenaires des agriculteurs. Le développement du barter permet de capter à l’avance une part significative des ré-coltes à venir.
Diversifications.
Les investisseurs chinoises ont également contribué au développement de l’industrie manufacturière. Entre 2007 et 2020, des entreprises comme BYD (énergie verte), TCL (TV, smartphones), Gree, Midea (deux producteurs d’électrodomestiques), Sanxing Electric (instruments de mesures), Chery (automobile), Sany (ingenheirie), XCMG (machines de construction) et Liugong (équipements) ont investi dans le secteur industriel brésilien en rachetant des capacités de production existantes ou en développant des projets green-field. Le développement des relations économiques bilatérales a aussi entraîné l’entrée sur le marché financier brésilien de grandes banques chinoises (Bank of China, ICBC, Bank of Communications et China Construction Bank. Dérisoire jusqu’en 2010, l’implan-tation de ces institutions financières a progressé ensuite, soit grâce à l’acquisition d’éta-blissements bancaires brésiliens, soit par l’acquisition de banques étrangères déjà établies au Brésil. C’est un exemple emblématique : fondée en 1858, le Banco da Bahia, est devenue en 2016 Bocom BBM, lorsque le groupe chinois Bank of Communications (Bocom) a acquis une participation majoritaire de 80% dans le capital de l’institution finan-cière de Salvador. Pour la première fois, Bocom participait à une joint venture hors de Chine. La nouvelle banque, réorganisée pour offrir des crédits et des services financiers aux entreprises chinoises installées au Brésil, a connu depuis une expansion specta-culaire de 31,7% par an depuis 2016. Elle développe également un nouveau secteur qui intéresse les grandes fortunes brésiliennes : les placements sur le marché chinois des obligations.
Un autre domaine essentiel qui attire depuis quelques années les investisseurs chinois au Brésil est celui des technologies de l’information. Les firmes Tencent (géant de l’inter-net), Didi Chuxing (exploitant de la première application de transport en Chine) ont réalisé en 2018 deux opérations spectaculaires au Brésil. Didi a investi 600 millions de dollars pour prendre le contrôle de 99, une start up qui avait lancé quelques années auparavant un applicatif de service de taxi. En deux ans, la start up est devenue un des premiers opérateurs sur le marché brésilien des services de proximité. De son côté, Tencent a pris une participation au sein du capital de la start up Nubank, leaders des technologies financières sur toute l’Amérique du Sud et très active sur le marché des fintechs au Brésil.
Inquiétudes brésiliennes.
La propagande officielle chinoise au Brésil souligne les investisseurs de la République populaire s’engagent sur des opérations de long terme, sur les programmes qui créent ou maintiennent des emplois, contribuent au désenclavement de régions périphériques, modernisent et développent les infrastructures, contribuent à la croissance. S’ils accep-tent ce constat, de nombreux observateurs brésiliens indépendants lucides sont deve-nus de plus en plus critiques au fil du temps. Ils soulignent trois caractéristiques es-sentielles des flux d’investissements existants entre la Chine et le Brésil.
Implantations des 16 firmes d'Etat chinoises sur le territoire brésilien. Source : Boston University.
La première concerne l’importance des investissements réalisées par des firmes direc-tement contrôlées par le gouvernement central chinois et qui sont des opérateurs stra-tégiques pour ce dernier. Les 16 groupes publics qui ont investi entre 2006 et 2020 dé-tenaient l’an passé 82% du stock d’investissement d’opérateurs chinois au Brésil. Ce pourcentage élevé est évidemment lié à la forte présence de firmes publiques dans les secteurs très capital-intensive que sont l’industrie de l’électricité et celle de l’extraction du pétrole. Les directions des 16 firmes en question sont directement subordonnées au Conseil d’Etat, une des instances les plus élevées de l’appareil de l’Etat et du Parti Com-muniste chinois. Cela signifie qu’au-delà de l’impératif de la conquête de nouveaux mar-chés, du transfert de technologies, l’investissement dans le secteur de l’électricité est aussi un moyen d’accroître la capacité d’influence de la Chine sur le Brésil.
Ces investissements directs ont pour effet d’accroître la dépendance technologique du Brésil par rapport à son partenaire [4]. C’est le cas dans le secteur de la génération et de la transmission de l’électricité. Progressivement, une large part du système national de production, de transmission et de distribution de l’électricité devient dépendant de tech-nologies fournies par le grand pays asiatique, de financements accordés par des ban-ques chinoises, d’une assistance technique assurée par des sociétés spécialisées origi-naires de la République populaire. Ce constat vaut pour les filières de production clas-siques comme l’hydroélectricité. Il vaut aussi pour l’éolien et le solaire.
La troisième remarque porte sur l’énorme déséquilibre qui existe entre le stock d’investis-sements réalisés par la Chine au Brésil et le stock des actifs contrôlés en Chine par des opérateurs brésiliens. Les Brésiliens ont peu investi en Chine. Ils se heurtent à des bar-rières réglementaires qui limitent les investissements étrangers, à des obstacles tech-niques, aux différences culturelles. Le marché chinois a pourtant attiré des entreprises brésiliennes comme Embraer (aéronautique), BRF (viandes), Marcopolo (autobus) ou Petrobras. Plusieurs sont reparties, considérant qu’elles se heurtaient à des obstacles bu-reaucratiques et politiques très dissuasifs. Vale possède un bureau commercial à Changhai et détient des participations dans le capital d’entreprises de métallurgie. Les difficultés que connaît l’industrie brésilienne ne facilitent pas des investissements à l’étranger….Reste que le stock d’actifs détenus par les Brésiliens en Chine reste modeste : il serait passé de 193 à 636 millions d’USD entre 2010 et 2019.
Les observateurs brésiliens qui formulent ces remarques n’hésitent plus à souligner que le fameux partenariat stratégique Brésil-Chine évoqué par la propagande de Pékin est devenu préoccupant pour le premier pays d’Amérique du Sud. Ce dernier est devenu extrêmement dépendant de l’empire du milieu. Le développement des relations entre Petrobras et ses partenaires chinois qui sera abordé dans un troisième article de cette série leur donne raison.
A suivre : Les "partenaires" chinois de Petrobras.
[1] Le programme d’identification des investissements directs chinois dénommé China Global Investment Tracker est conduit par l’American Enterprise Institute. Il ne prend en compte que les flux supérieurs à 100 millions de dollars. [2] Les actifs détenus hors de Chine par les deux firmes publiques State Grid et China Three Gorges sont en majorité localisés au Brésil (à hauteur de 48% et de 60% respec-tivement). [3] Une législation fédérale datant de 1971 et non révisée depuis autorise les étrangers à acquérir des terres dans la limite de 50 modules ruraux par acquéreur. Le module rural est une unité de mesure d’une parcelle définie en hectares et qui prend en compte sa lo-calisation, son relief, le type de sol et les possibilités de mise en valeur agricole. Selon les régions, 50 modules représentent une superficie variant de 250 à 5500 hectares. On es-time qu’à peine 0,1% des terres cultivables sont la propriété de Chinois au Brésil. Pour l’ensemble des étrangers de toutes origines, le taux passe à 3,9%. [4] Les importations en provenance de Chine sont un autre vecteur majeur de dépen-dance technologique. Le Brésil importe une large part des composants électroniques qu’il utilise. En 2020, 46% de ces importations étaient d’origine chinoise
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