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Une élection qui annonce celle de 2026 (2).

Photo du rédacteur: Jean Yves CarfantanJean Yves Carfantan

Des édiles municipales dépendants du Congrès.

 

 

Le scrutin municipal et celui désignant les membres du Congrès national ont une in-fluence l’un sur l’autre. Au niveau communal, les maires et les membres d’assemblées municipales (vereadores) membres d’un parti organisent et animent les réseaux locaux qui forment la base électorale de leurs parlementaires nationaux. Ils mobilisent ces ré-seaux lorsque députés et sénateurs fédéraux postulent un nouveau mandat ou cher-chent à faire élire des successeurs. Ils investissent du temps et des ressources finan-cières pour que ces parlementaires nationaux conservent et accroissent leur propre capital de popularité locale. Que peuvent attendre en retour ces élus municipaux ? A cette question, il y a une première réponse convenue : maires et membres d’assemblées municipales espèrent que les élus au Congrès porteront à Brasilia leurs préoccupations d’élus de base, qu’ils sauront prendre en compte les intérêts et les demandes de leurs électeurs lorsque tel ou tel projet national sera débattu au Congrès. En somme, les élus locaux attendent des parlementaires qu’ils soient de bons représentants des territoires qui les ont choisis. Au-delà de cette mission noble, les leaders politiques municipaux espèrent d’autres contreparties. Ils savent qu’en se plaçant sous le parrainage d’élus du Congrès, ils peuvent bénéficier d’avantages financiers appréciables.

 

Le premier est constitué de transferts financiers de l’Etat central vers les communes que peuvent imposer députés fédéraux et sénateurs. Chaque année, en adoptant le budget national, députés et sénateurs arrêtent des crédits destinés à doper les programmes d’investissement des communes dont ils parrainent les édiles municipales. Un appui qui se révèle décisif lorsque ces derniers cherchent à se faire réélire. Les élus municipaux ont donc tout intérêt à entretenir avec les parlementaires du Congrès une étroite relation de clientèle, relation qui s’entretient et se consolide très souvent au sein d’une même formation politique. Second avantage : l’accès à des fonds fédéraux destinés à soutenir les partis et à financer les campagnes électorales. L’enveloppe des fonds fédéraux auxquels maires et vereadores ont accès pour faire vivre leur parti à l’échelle locale et pour mener des campagnes électorales dépend de la représentativité de ce parti au Congrès. Plus le parti détient de sièges, plus généreuse sera cette enveloppe.

 

Qu’ils cherchent à se faire réélire ou qu’ils se présentent pour la première fois, les can-didats aux scrutins municipaux sont en général très pragmatiques, prudents par rapport à telle ou telle idéologie. Ce pragmatisme traduit souvent la volonté de servir l’intérêt commun sans être prisonnier d’un catéchisme rigide. Il est aussi dans de nombreux cas la marque de personnalités carriéristes, mues par des ambitions personnelles et la défense d’intérêts particuliers. Quels que soient leurs profils et leurs objectifs, ces acteurs prag-matiques souhaitent pérenniser ou conquérir un mandat local. Ils sont alors fréquem-ment conduits à rejoindre les rangs les partis les plus "efficaces" au Congrès, ceux qui utilisent le clientélisme comme un levier de leur développement et détiennent un nombre conséquent de sièges au sein des deux chambres.

 

Le jeu d’échanges de services ou de faveurs entre élus locaux et représentation natio-nale domine le fonctionnement du système politique. Dès lors, les résultats du scrutin municipal constituent effectivement une photographie anticipée de ceux des élections législatives nationales qui ont lieu deux ans après. Les maires et vereadores qui viennent d’être élus en ce mois d’octobre 2024 seront les meilleurs agents électoraux des candidats qui souhaiteront conquérir ou conserver un siège au Congrès en 2026. Le jeu d’échanges de faveurs fonctionne au sein de toutes les formations politiques. Il est particulièrement efficace et conduit sans états d’âme ni scrupule au sein des partis dits du centrão [1], des appareils qui n’affichent aucune idéologie trop rigide si ce n’est un prudent conservatisme. Des appareils dont les leaders possèdent une capacité innée à sentir d’où vient et viendra le vent, savent s’adapter et changer de cap opportunément. Le clientélisme est leur mode de fonctionnement, voire leur raison d’être. En intégrant les rangs de ces organisations, les élus municipaux maximisent leurs chances d’avoir accès à d’importants crédits budgétaires et de faire prendre en charge par l’Etat fédéral une part importante des frais de fonctionnement des appareils politiques locaux et les coûts de campagne.


 Bolsonaro (à gauche) et Lula appuient des candidats aux postes de maires (octobre 2024). Les deux leaders savent que les résultats des municipales sont préfigurent la conjoncture politique de 2026.


Précieux amendements budgétaires.

 

Chaque année, au Brésil comme ailleurs, les parlementaires du Congrès fédéral adop-tent une loi budgétaire. Les dépenses obligatoires [2] absorbent une part énorme du total des crédits inscrits dans le projet soumis au Congrès (92% pour 2024). Le débat parlementaire porte donc sur les dépenses dites discrétionnaires, celles qui devraient permettre à l’exécutif d’imprimer sa marque, de concrétiser ses priorités politiques. Dé-putés et sénateurs peuvent affecter une partie de ces dépenses discrétionnaires en for-mulant des amendements à la loi budgétaire. Ils manifestent ainsi leur souhait de destiner des crédits d’investissement aux projets des élus locaux (autorités des Etats fé-dérés et responsables d’exécutifs municipaux). Depuis le début de la précédente décen-nie, ces crédits budgétaires votés au titre d’amendements par les parlementaires du Congrès représentent une contribution financière de plus en plus importantes aux budgets des collectivités territoriales, en particulier les municipalités [3].

 

Les amendements parlementaires représentent aussi une part croissante des dépenses discrétionnaires prévues dans la loi budgétaire (20,03% en 2024, contre 7,4% cinq ans plus tôt). Cette progression signifie que les députés et sénateurs ont conquis un pouvoir de décision croissant concernant l’affectation des moyens financiers dont dispose le niveau fédéral. En conséquence, le gouvernement fédéral a perdu le contrôle d’une part de plus en plus importante du budget. Le Congrès se comporte de plus en plus comme s’il était lui-même en charge de l’exécution de politiques publiques (compétence qui revient norma-lement exclusivement au gouvernement). Depuis le milieu de la décennie pas-sée, ces amendements parlementaires ont provoqué un conflit politique majeur entre le pouvoir exécutif et les institutions législatives fédérales. L’accroissement spectaculaire du montant des crédits votés au titre d’amendements parlementaires a changé l’équilibre entre les deux pouvoirs. Il a aussi modifié la logique de fonctionnement de l’activité par-lementaire et de la vie politique en général.

 

Il existe trois types d’amendements parlementaires au budget. Les premiers sont des amendements individuels, définis par chaque élu. A ce titre, selon la loi budgétaire de 2024, les 513 députés et 81 sénateurs peuvent assurer l’affection de crédits sur leurs circonscriptions dans la limite totale de 44,67 milliards de BRL (8,3 milliards d’USD). Selon la législation, 50% de ces fonds doivent être destinés au développement de services publics de santé (construction d’hôpitaux et dispensaires, équipements de services, etc). L’autre partie est affectée à des investissements divers. Lorsqu’il sollicite l’inscription dans la loi budgétaire d’un amendement individuel, le parlementaire doit normalement justifier et documenter la destination des fonds (références à des projets d’élus locaux, études de faisabilité, identification des opérateurs impliqués, etc..). Il fournit obligatoirement tous les éléments d’information garantissant une parfaite traçabilité des flux financiers destinés aux Etats fédérés et municipalités. Point essentiel : une fois que la loi de finances est votée, les crédits correspondant à ces amendements individuels doivent obliga-toirement être libérés au cours de l’année budgétaire par les ministères du gouver-nement fédéral compétents. Ces administrations doivent acheminer les fonds vers les bénéficiaires sélectionnés par les parlementaires qui seuls décident de l’affectation des crédits. En formulant un amendement individuel, le député ou le sénateur peut légiti-mement chercher à répondre à des besoins de sa circonscription, besoins que l’Administration fédérale distante des territoires n’appréhende pas facilement. Il cherche aussi souvent à "renvoyer l’ascenseur" à ceux des élus de base qui animent son parti à l’échelle locale, à entretenir un lien précieux avec tous ceux qui forment son réseau de soutien, influencent l’opinion régionale, animent la vie économique et sociale.

 

Faveurs des parrains du Congrès aux mairies amies.

 

Pour renforcer le soutien qu’ils apportent à leurs clientèles locales, les parlementaires du Congrès fédéral ont imposé en 2022 un nouveau type d’amendement individuel. A l’épo-que, fragilisé politiquement (crise du Covid, faible majorité parlementaire) le Président Bolsonaro cherche à éviter une procédure de destitution. Il est donc prêt à accepter toutes les demandes du Congrès. Il ratifie une législation qui autorise des amendements individuels particuliers qui permettent aux élus d’affecter des crédits aux collectivités locales sans avoir à indiquer l’objet du transfert et la destination de ces fonds, sans préciser comment ces ressources publiques seront dépensées. L’exécutif fédéral et les contribuables brésiliens sont ainsi privés de tout contrôle sur l’usage de l’argent public, utilisé par des leaders politiques locaux dans une opacité totale. Ce modèle de transfert, qui ne laisse aucune trace, est connu sous le nom d'amendement pix [4], car les fonds passent d’un ministère au Trésor d’une commune sans que le parlementaire donneur d’ordre soit contraint d’indiquer comment ils seront dépensés. En 2020, ces amen-dements pix représentaient un crédit total de 621,2 millions de BRL (120 millions USD). Depuis, l’enveloppe n’a cessé de progresser. Elle est de 8,152 milliards de BRL (1,5 milliard USD) pour 2024. Avec ce dispositif, l’amendement individuel est devenu le levier d’une logique purement politicienne et clientéliste. L’absence de traçabilité, de justification technique des programmes à financer permet au parlementaire auteur de l’amendement de contribuer au financement de projets et d’investissements locaux dont la rentabilité électorale est élevée (travaux ostentatoires et somptueux, acquisition d’équipements de travaux, construction de piscines ou de ponts,  installation de citernes, multiplication de crèches, etc) mais dont la nécessité n’est pas toujours justifiée. Autant d’initiatives qui ne font pas l’objet d’études de viabilité ou d’utilité publique sérieuses mais correspondent souvent aux seuls intérêts des élus locaux qui peuvent se servir de telles réalisations à des fins de propagande. La distribution de ces fonds obéit évidemment à une pure logique de consolidation des fiefs électoraux des parlementaires.


Evolution de l'enveloppe totale des amendements parlementaires (milliards BRL).

*Groupes d'élus représentants un Etat. Le graphique ne prend pas en compte les amendements du rapporteur de la Loi budgétaire, créés en 2020 et supprimés en 2023.


L’auteur d’un amendement pix ne cherche pas à répondre à des besoins réels de la po-pulation d’un territoire. Il favorise ses alliés et amis politiques locaux et les collectivités territoriales qui font partie de sa base électorale. Il ignore souvent les autres. Cette logique empêche la mise en œuvre de politiques publiques cohérentes à l’échelle d’un ensemble de communes. Elle creuse les inégalités entre les localités et les régions. Il y a les municipalités dont les maires n’ont pas de parrains politiques (ou pas de parrains "efficaces") au Congrès. Ces communes peuvent se retrouver sans ressources pour faire face à des investissements cruciaux : réserves en eau pour lutter contre la sécheresse, construction d’écoles, programme de logements sociaux, etc.. Il y a aussi les muni-cipalités dont les élus ont développé des liens solides avec des parlementaires qui savent entretenir leur base électorale et leurs clientèles régionales. Députés et sénateurs allouent très souvent les crédits d’amendements à des maires alliés, à des organisations ou associations privées proches de leur parti. En somme, ces parle-mentaires clientélistes interférent de plus en plus dans la vie politique au sein des Etats fédérés et dans le cadre municipal.

 

Outre des amendements individuels, les parlementaires peuvent aussi décider de l’affectation de crédits budgétaires par le biais d’amendements définis par des groupes d’élus représentant chacun un même Etat. En 2024, chacun de ces groupes peut ainsi formuler des amendements dans la limite de 317 millions de BRL (58,7 millions d’USD), le montant étant réparti entre les élus du groupe.  Au total, dans le budget de cette année, les amendements de groupes représentent un montant de 8,56 milliards de BRL (2,1 milliards d’USD). Ici encore, le gouvernement n’a pas le choix de libérer ou non les fonds concernés. Il doit transférer aux collectivités locales indiquées les crédits définis par les groupes de parlementaires. Il existe enfin une troisième catégorie d’amendements : ceux dits des commissions spécialisées (développement régional, sports, tourisme, etc..) que mettent sur pied à chaque mandature les parlementaires [5]. Les amendements de com-missions ne sont pas obligatoires. L’exécutif peut s’opposer ici à la libération de tout ou partie des crédits votés. Ainsi, en 2024, la somme totale définie par le Congrès de 16,5 milliards de BRL a été ramenée à 11,05 milliards après veto du Président Lula.

 

Les ressources budgétaires affectées par les parlementaires au titre des trois modalités d’amendements ont représenté sur les cinq derniers exercices des fonds de plus en plus conséquents. La majorité des municipalités sont confrontées à des difficultés financières croissantes. Elles dépendent des amendements adoptés au Congrès pour développer les services de santé ou d’éducation, réaliser des investissements justifiés ou non. Grâce aux amendements budgétaires, le parlementaire fédéral peut assurer dans sa circons-cription un financement de projets qui dépasse largement les capacités de la plupart des communes. En 2024, l’enveloppe moyenne que mobilise chaque député fédéral au titre des amendements individuels dépasse les ressources consacrées à l’investissement sur l’année antérieure dans 4502 municipalités, soit 84% du total. Le montant d’amen-dements individuels réservé à chaque sénateur était de 30,7 millions de BRL, soit un niveau supérieur à ce qu’ont pu investir en 2023 93% des communes. Cela signifie que le pouvoir réel des parlementaires par rapport aux maires est considérable. De l'élaboration et de l'éxécution d'amendements individuels dépend une large part des dépenses d’investissement (justifiées ou non) que les responsables de l’exécutif municipal pourront réaliser. En réalité, le pouvoir des parlementaires est encore plus grand si l’on considère les amendements de groupes régionaux et de commissions.

 

Devenus une source de financement essentielle pour les Etats fédérés et les munici-palités, les amendements des députés et sénateurs sont aussi et de plus en plus des leviers que les parlementaires utilisent pour accroître leur capital de popularité dans leurs circonscriptions, consolider leurs alliances avec des élus locaux et développer sur les territoires les réseaux du parti auquel ils sont affiliés. Même lorsqu’ils n’ont pas d’autre ambition que celle de gérer loyalement leurs communes, ces élus locaux ont tout intérêt d’être proches d’organisations politiques bien représentées au Congrès et obéissant sans scrupule à une logique clientéliste.  Ces organisations ont progressé en termes de sièges détenus dans les deux chambres depuis 2018 et encore plus depuis 2022. Les groupes parlementaires dits du centrão sont les plus entraînés à ce jeu d’élaboration d’amendements dont les bénéficiaires locaux sont ciblés sur la base de critères de proxi-mité politique, de liens personnels ou familiaux. Ils forment aussi des bataillons d’élus fédéraux très fournis au sein du Congrès. Plus les parlementaires d’un même parti sont nombreux, plus élevé est le nombre d’amendements que ces élus peuvent imposer. Plus grande est leur capacité de soutenir et d’avantager leurs protégés à l’échelle locale. La multiplication d’investissements dans les communes tenues par des partenaires ne sert pas seulement les intérêts des députés et sénateurs (ou d’autres représentants du parti lorsque les sortants ne se représentent pas) lorsque ces parlementaires entrent en campagne. Elle sert aussi les élus municipaux qui entendent durer et peuvent donc lors des campagnes se présenter comme des bâtisseurs, des aménageurs, des bienfaiteurs de la population.

 

Financements des campagnes.

 

Les maires et élus municipaux ont tout intérêt à maintenir des liens solides avec les lea-ders des formations politiques nationales qui sont les mieux représentées au Congrès pour une autre raison. C’est sur la base de cette représentation qu’est largement déter-minée la capacité des différents partis à préparer tous les scrutins (locaux et nationaux), à soutenir des candidatures, à parrainer les sortants ou les postulants à des mandats. Partout, les campagnes électorales sont des entreprises de plus en plus coûteuses. Cela est encore plus vrai dans les pays de taille continentale comme le Brésil. Les candidats aux municipales maximisent leurs chances s’ils peuvent ajouter à une bonne con-naissance de la sociologie communale, aux contacts directs avec les formateurs d’opi-nion locaux une caisse de campagne bien remplie. Pour que cette caisse soit suffisam-ment approvisionnée, le mieux est d'avoir le soutien d'un parti bien représenté à la Chambre des députés et prêt à exploiter toutes les opportunités d'alliances locales.


La législation autorise trois modes de financement des campagnes : les ressources pro-pres des candidats, les dons de personnes physiques et l’utilisation de fonds mis à la disposition des partis par l’Etat fédéral. Première ressource d’origine publique : les transferts du fonds de soutien aux partis politiques, créé il y a quarante ans après le retour à la démocratie. Les sommes allouées aux organisations peuvent servir à financer des campagnes électorales. Elles couvrent aussi une partie des frais de fonctionnement des structures bénéficiaires (charges salariales,  logement, transport, communication, etc) [6]. L’enveloppe du fonds est votée chaque année par le Congrès lors de l’adoption de la Loi budgétaire. Elle est constituée de trois types de ressources : dotation budgé-taire, amendes pour infractions à la législation électorale, dons de personnes physiques.. Chaque année, un quota équivalent à 5% du fonds total des partis est alloué à parts égales à tous les partis politiques dont les statuts ont été enregistrés auprès du Tribunal supérieur électoral (TSE). Les 95 % restants sont distribués aux partis au prorata des voix obtenues lors des dernières élections générales à la Chambre des députés. Les versements aux organisations bénéficiaires se font sur une base mensuelle [7].

 

Sur l’année 2023, les ressources affectées au fonds représentaient une somme totale de 1,18 milliard de BRL, montant à répartir entre 17 organisations éligibles. Le Parti Libéral auquel appartient J. Bolsonaro a été le mieux doté. Le transfert (205, 868 millions de BRL) augmente de 73% par rapport à 2022 pour tenir compte des résultats atteints par le parti lors du scrutin législatif fédéral de la même année (16,62% des voix et 99 sièges). Le Parti des Travailleurs de Lula vient en seconde position (152,9 millions de BRL). La formation détient 69 sièges à la Chambre (12,09 % des voix en 2022). Outre ces deux organisations, les principales formations bénéficiaires du fonds sont des forces du centrão. Ensemble, le MDB, União Brasil, le PSD le Partido Progressistas et Republicanos ont reçu 42% des ressources du fonds. Ces partis détiennent 230 sièges à la Chambre et avaient reçu plus de 39% des votes valides en 2022.


Répartition en 2024 des sièges à la Chambre des députés élue en 2022.

 

A ces transferts du fonds de soutien aux partis viennent s’ajouter des contributions publiques plus conséquentes sur les années d’élections. En 2015, La Cour suprême (STF) a interdit le financement des campagnes électorales et des partis politiques par des entreprises, pratique qui était au coeur de nombreux scandales de corruption qui touchaient la plupart des grandes firmes nationales. Deux ans plus tard, pour compenser les pertes de recettes subies par les partis, le législateur a créé un Fonds électoral. Les ressources du fonds sont définies lors de l’élaboration du budget fédéral et transférées au Tribunal Supérieur Electoral qui a la charge de les répartir entre les formations politiques avant la fin du mois de juin de l’année lorsque des élections ont lieu au second semestre.Le fonds électoral sert exclusivement à financer les campagnes électorales et n'est distribué que l'année de l'élection. Le fonds des partis, quant à lui, est destiné à faciliter le fonctionnement des partis politiques et est distribué mensuellement pour couvrir les dépenses courantes (factures d'électricité et d'eau, loyers, transport, salaires des employés). Les transferts du fonds vers les organisations politiques sont calculés selon trois critères. Un premier apport égal à 2% du Fonds est réparti également entre tous les partis déclarés et reconnus. Un second apport égal à 35% du fonds est versé aux partis qui ont au moins un député à la chambre fédérale. Il est calculé sur la base du pourcentage des votes obtenus lors de la dernière élection des parlementaires de la Chambre. Un troisième apport égal à 48% du fonds est réparti en fonction du nombre de sièges détenus par chaque parti à la Chambre. Enfin, un dernier apport égal à 15% du fonds est réparti en fonction des sièges détenus au Sénat [8].

 

A l’approche des élections générales de 2018, 1,7 milliard de BRL a été distribué par le Fonds électoral aux partis pour financer leurs campagnes. Lors du scrutin municipal de 2020, le montant total s'élevait à 2,03 milliards de BRL. Il était de 4,9 milliards de BRL pour les élections générales de 2022, somme alors répartie entre les 32 partis en lice reconnus. Cette année, pour les élections municipales, le fonds disposait de 4,961 milliards de BRL, à répartir entre 29 organisations. Si l’on excepte la contribution minimale égale pour chaque parti, la répartition entre ces 29 formations dépendait principalement des résultats obtenus lors de la dernière élection des députés fédéraux de 2022 (pourcentage de voix et nombre de sièges). A l’issue de ce scrutin, le Parti Liberal auquel appartient Jaïr Bolsonaro avait obtenu 16,62% des votes valides et détenait alors 99 sièges de députés. En 2024, à la veille des municipales, il a reçu 879,8 millions R$ (161,4 millions US$) du fonds électoral. Avec un tel apport, le PL a été en mesure de présenter 1498 candidats aux postes de maires (26,9% des communes) et plus de 33 000 prétendants aux mandats de vereadores (7,6% du total des candidats).

 

Lors des législatives nationales de 2022, le Parti des Travailleurs de Lula arrivait en seconde position avec 12,09 % des voix et gagnait 69 sièges à la Chambre des députés. En 2024, pour les municipales, il a bénéficié de 12,5% du total des transferts opérés par le fonds électoral. L’organisation a pu ainsi présenter 1401 candidats aux postes de maires et 27 383 pour des mandats de membres d’assemblées municipales. Ces deux partis situés respectivement à droite et à gauche de l’échiquier politique ne sont pas nécessairement très attractifs pour des candidats qui ne souhaitent pas revendiquer une identité idéo-logique marquée. Ces candidats pragmatiques peuvent avoir des motivations respec-tables. Ils souhaitent par exemple avant tout défendre l’intérêt de leur commune et maximiser leurs chances d’élection ou de réélection. Ils peuvent aussi représenter un clan local prêt à se vendre aux "écuries" nationales les plus offrants qui pourront fournir les moyens d’une campagne efficace, soutenir un grand nombre de candidats sans s’encombrer de considérations idéologiques et de principes politiques bien définis. Ces partis existent. Les formations du centrão ont engrangé des résultats très satisfaisants lors de l’élection législative de 2022. Les cinq partis les plus importants qui dominent ce secteur de la vie politique ont alors réuni 39,05 % des votes valides et conquis 230 sièges à la Chambre des députés fédérale. A la veille du scrutin municipal d’octobre dernier, ces 5 organisations ont capté ensemble 42,8% des ressources du fonds électoral (soit 2,123 milliards de BRL). Compte tenu des moyens dont ils disposaient, de la neutralité idéologique et de la souplesse programmatique affichées, ces cinq partis n’ont pas eu de difficulté à mobiliser 7557 postulants aux mandats de maires (48,5% du nombre total de candidatures à l’échelle nationale) et 168 580 candidats aux mandats de vereadores (39% du total national). Ces milliers de personnalités en campagne ont pu compter sur des soutiens financiers conséquents.


Dotations du fonds électoral reçues par les principaux partis (millions de BRL).


 

Refus d’une polarisation politique très poussée, pragmatisme des acteurs politiques mu-nicipaux qui se rallient aux formations politiques nationales capable d’offrir les meilleurs retours sur investissement  (amendements budgétaires, financement de campagnes) : ces éléments rendent compte des résultats qui apparaissent à l’issue du scrutin mu-nicipal d’octobre. La droite progresse mais est divisée, la gauche est affaiblie et les grandes formations du centrão sont les grands gagnants de la consultation.

 

A suivre : quels scénarios politiques après les élections générales de 2026 ?

 


 

[1] Sur le centrão, voire notre post du 9 février 2021, le troisième d’une série intitulée Petite incursion dans la vieille politique,

[2] Dépenses que l’Etat doit assumer en raison de dispositions constitutionnelles et  d’engagements juridiques pris (rémunération des fonctionnaires, retraites, autres prestations sociales, transferts aux collectivités territoriales, etc..

[3] Lignes budgétaires inscrites dans la loi de finance fédérale à partir des requêtes formulées par des membres des deux chambres, ces amendements sont destinés à financer des projets d’in-vestissements et de travaux dans les circonscriptions des parlementaires qui choisissent l’affectation des crédits en concertation avec des élus locaux. 

[4] La rapidité du paiement leur a valu le surnom d'« amendement Pix » en référence à un système de paiement très rapide mis en place par la Banque Centrale en 2022. Le Congrès considère que la ressource est une sorte de "don" et qu'elle devient la propriété des États fédérés et des muni-cipalités lorsqu'elle est versée..

[5] Jusqu’à la fin de 2022 et depuis 2020, existaient aussi des amendements de rapporteur. Ces amendements conféraient au parlementaire rapporteur de la loi de finances annuelle le droit d'al-louer des ressources à d'autres membres du Congrès sans transparence quant à la responsabilité de l'argent et à sa destination, sans aucun critère de distribution ou d'allocation. Après de nom-breuses controverses, ces amendements ont été déclarés illégaux par la Cour suprême à la fin de l'année 2022. Dans le flux d'argent, il était très difficile de savoir quel politicien en avait bénéficié. De plus, ce type d'amendement laissait à une seule personne - le rapporteur général de la commission budgétaire conjointe du Congrès - le soin de décider quel politicien recevrait l'argent.  

[6] Pour bénéficier des contributions du fonds des partis, chaque formation politique déclarée doit respecter les conditions prévues par la législation (justifier de l’emploi des transferts reçus et fournir des comptes). Le non-respect de ces conditions entraîne la suspension de transferts sur l’année suivante.

[7] Seules les organisations qui ont atteint un pourcentage minimum de votes valides lors des der-nières élections ou conquis un minimum de sièges à la Chambre ont accès au fonds de soutien des partis (clause dite de barrière). 

[8] Pour avoir accès à ces fonds, chaque formation doit délibérer et décider de la répartition des res-sources du fonds entre ses candidats. Une fois conclue la campagne, les organisations doivent rendre des comptes au Tribunal Supérieur Electoral.

[9] Par rapport aux précédentes élections municipales de 2020, la hausse du montant est de +626 %.

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