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Bolsonaro 2 en soins intensifs (1).

Photo du rédacteur: Jean Yves CarfantanJean Yves Carfantan

Il y aura probablement deux périodes dans la Présidence Bolsonaro. La première a commencé à l’investiture, en janvier 2019. La seconde démarre aujourd’hui. Il n’est pas certain qu’elle soit aussi longue que la première.



Le pays affronte une crise sanitaire dramatique. A la fin avril, le nombre officiel de person-nes contaminées approchait 80 000, ce qui signifie qu’un million d’individus étaient alors porteurs du virus du Covid-19[1]. L’identification rigoureuse des décès liés à la maladie virale est aussi difficile que celle des contaminations. De nombreuses victimes meurent loin des établissements hospitaliers et sont enregistrées comme frappées d’insuffisance respiratoire. Les malades qui parviennent à atteindre les centres de soins doivent de plus en plus souvent attendre, les capacités installées étant saturées ou proches de la satura-tion. Plusieurs grandes villes sont confrontées à un scénario macabre. La progression rapide du nombre de morts conduit les autorités locales à accélérer le creusement de sépultures de fortunes ou de fosses communes.


Sur le plan économique et social, le Brésil sait depuis mars qu’il va affronter une réces-sion, probablement la pire depuis un siècle. Proche de 12 millions en début d’année, le nombre des chômeurs officiellement déclarés pourrait atteindre jusqu’à 20 millions dans quelques mois. Le secteur de l’économie informelle devrait connaître une expansion sans précédent. Les dispositifs de soutien de l’activité et de compensation des revenus mis en place par l’Etat fédéral depuis mars ne seront probablement pas suffisants pour empêcher un effondrement du PIB sur l’année. Le recul pourrait varier entre 5% et 9% par rapport à 2019. Le Brésil est déserté par les investisseurs étrangers. La monnaie nationale s’est littéralement effondrée face aux grandes devises depuis le début de l'année. Le dollar s’échangeait contre 4 réais en début janvier. Il a dépassé la limite des 5,5 réais sur les derniers jours d’avril (soit une appréciation de 37,5% en quatre mois).



Avril 2020 : des fosses sont creusées en urgence pour enterrer les morts au cimetière de Vila Formosa à São Paulo.


Dans ce contexte délétère, la vie politique reste très animée à Brasilia. Depuis son élec-tion à la Présidence en octobre 2018, Jair Bolsonaro n’a pas cessé de provoquer les scan-dales et les conflits avec les autres institutions de la République. Ce chef de l’Etat border-line ne s’est pas calmé avec la crise sanitaire du Covid-19, bien au contraire. Il y aura probablement deux périodes dans la Présidence Bolsonaro. La première a commencé à l’investiture, en janvier 2019. La seconde démarre aujourd’hui. Il n’est pas certain qu’elle soit aussi longue que la première.


En seize mois de gouvernement,

Bolsonaro est parvenu à faire

de son cabinet un gigantesque

pandémonium que la pandémie

du coronavirus a transformé en

théâtre d’une guerre ouverte.


Sur les dernières semaines de 2018, l’ancien député était parvenu à constituer une équi-pe gouvernementale décente, capable de faire du bon travail dans plusieurs domaines essentiels comme la lutte contre la criminalité et la corruption ou le redressement de l’é-conomie. Bolsonaro a été choisi par une majorité de Brésiliens qui n’en pouvaient plus d’un système politique ébranlé par les multiples scandales de pots-de-vin, de détourne-ment de fonds publics qui avaient marqué la fin de la gauche au pouvoir. Une fois installé dans ses fonctions, il a donc annoncé qu’il allait tourner le dos à la "vieille politique". Estimant qu'il Incarnait à lui seul la volonté du peuple, il pouvait s’épargner la tâche ingrate qui consiste à négocier avec les formations parlementaires afin de disposer au sein du Congrès d’une majorité d’appui large et stable. Il n’était pas question de mettre sur pied un gouvernement d’ouverture, associant aux forces bolsonaristes des partis al-liés. Pour Bolsonaro et ses fidèles, les tractations avec les parlementaires débouchent nécessairement sur des échanges de faveur, la prévarication, la satisfaction d’intérêts pri-vés au détriment du bien public. Au lieu d’ouvrir son gouvernement à des forces de la droite modérée et du centre, l’ancien député a donc préféré recourir à des cadres techni-ques issus de l’armée, qu’ils soient des militaires actifs ou des membres de la réserve.


Fort de sa victoire électorale, estimant qu’il représentait seul un peuple en quête de rupture avec le système politico-institutionnel, Bolsonaro a imaginé que le Congrès allait naturellement s’incliner devant l’exécutif. Que l’aura de ce Président providentiel, incar-nation de la volonté populaire suffirait à faire émerger une majorité parlementaire systé-matiquement alignée sur les projets autoritaires et réactionnaires de l’exécutif. La réalité c’est que cet exécutif n’est jamais parvenu à établir un dialogue acceptable avec le Con-grès. En multipliant les attaques contre la représentation nationale et les autres institu-tions de la République (le Tribunal Suprême Fédéral ou STF notamment), en suscitant la désagragation du parti qui l’avait aidé à arriver au pouvoir, le Président a organisé l’af-faiblissement de la majorité parlementaire restreinte sur laquelle il pouvait encore compter au début de son mandat. Son gouvernement a donc accumulé les défaites lors-qu’il a tenté d’obtenir l’adoption de projets de loi par le Congrès.


Au lieu de s’adapter au système politique et de le réformer progressivement, Bolsonaro a considéré les institutions comme des obstacles l’empêchant de mener à bien la mission que lui aurait confié le peuple. Il a ainsi épousé le discours et la cause des factions les plus radicales du mouvement bolsonariste, des officines d’extrême-droite très actives sur les réseaux sociaux. Ce choix n’a pas seulement interdit la construction d’une relation acceptable avec le Congrès. Il a suscité la multiplication de conflits et de tensions au sein de l’exécutif lui-même. Des ministres hallucinés passent leur temps à débusquer une menace communiste imaginaire mais conservent leurs postes même si leur incom-pétence est établie. Leurs collègues plus modérés et capables voient leur action torpil-lée en permanence par le chef de l’Etat lui-même. En seize mois de gouvernement, Bolsonaro est parvenu à faire de son cabinet un gigantesque pandémonium que la pandémie du coronavirus a transformé en théâtre d’une guerre ouverte.


Lorsque la maladie du Covid-19 se propage au Brésil à partir de la fin février, le Président traite la pandémie avec une exceptionnelle légèreté. Il ne s’intéresse ni à la stratégie de prévention et de traitement qu’il faut mettre en place (confinement, tests, renforcement des capacités hospitalières). Il ignore la dangerosité du virus et prétend même que la maladie est une simple grippe. Il s’oppose frontalement à son ministre de la santé et aux gouverneurs qui préconisent et instaurent un confinement. Le Président ne s’intéresse pas à la vie de ses concitoyens et la menace sanitaire à laquelle ils sont exposés. Seule sa popularité le préoccupe. Il préconise donc envers et contre toutes les autorités scien-tifiques et médicales le maintien d’une vie normale. L’économie avant la santé. Que chacun puisse vaquer à ses occupations librement et que les institutions cessent d’ac-corder une importance à cette pandémie qui ne concerne que les personnes âgées.


A la mi-avril, Bolsonaro a remplacé le titulaire du portefeuille de la santé parce que celui-ci avait l’idée étrange de suivre les orientations de l’OMS pour faire face à la pandémie de coronavirus. Il n’a pas cessé depuis des mois de fragiliser son ministre de l’économie et de résister aux réformes que ce dernier voulait impulser. Il a laissé les militants d’extrême droite qui l’entourent vilipender la ministre de l’agriculture qui se plaint des attaques des bolsonaristes contre la Chine, principal maché à l’exportation de l’agriculture nationale. A la fin avril, le chef de l’Etat va conduire son Ministre de la Justice à démissionner. L’ancien Juge Sergio Moro refusait de cautionner une ingérence présidentielle dans la direction de la Police Fédérale[2]. En démissionnant, il a révélé les motifs qui conduisaient le Président à vouloir remplacer le directeur de l'institution, un projet envisagé depuis août 2019. Il s’agissait de mettre au pas la Police Fédérale pour étouffer des enquêtes et infor-mations judiciaires. A l’époque, l’ex-ministre avait averti Bolsonaro que cela apparaitrait comme une ingérence politique. Le Président aurait répliqué en insistant : c’est exac-tement cela. Il était déjà clair que le Chef de l’Etat entendait ainsi bloquer des procédures d’investigation (conduites par le Tribunal Suprême Fédéral) qui concernent ses enfants et qui le touchent aussi personnellement.


Le départ de deux ministres en moins d’un mois, l’affrontement historique entre un Prési-dent niant l’enjeu de la crise sanitaire et la plupart des gouverneurs des 26 Etats, une relation délétère entre l’exécutif et le Congrès, l’hostilité justifiée du pouvoir judiciaire à l’égard du Président : tous ces éléments ont conféré à la crise politique une dimension paroxystique. Pour survivre au pouvoir, le chef de l’Etat devait opérer une mue. Avec le concours des militaires dont la marge de manœuvre semble avoir progressé récemment, Bolsonaro tente de faire naître un second gouvernement.


Muer pour survivre.


La démission du Ministre Sergio Moro et les révélations faites à cette occasion par l’an-cien magistrat marquent l’inauguration d’un gouvernement Bolsonaro n°2. Le Président soi-disant vertueux, ardent combattant de la corruption, artisan d’une rupture radicale avec le "système" sort de scène. Il est remplacé par un loup féroce, prêt à jouer à fond la carte de la "vieille politique" et à négocier un pacte avec la meute des partis politiques attrape-tout qui incarnent plus que toutes les autres les travers du système politique national. Le départ de l’ancien ministre de la Justice marque la rupture du pacte politique conclu à la veille du scrutin de 2018 et qui avait assuré la victoire de Bolsonaro.


Ce pacte associait trois forces. La première, conservatrice de droite et d’extrême-droite, férocement opposée à la gauche représentée par le Parti de Lula, avait appuyé dès le début de sa campagne l’ancien capitaine. La seconde, réunissant des organisations pa-tronales et des responsables d’entreprises ne garantissait pas au candidat un apport de voix décisif mais elle a contribué au financement de la campagne. En validant le choix de Paulo Guedes comme ministre de l’économie et les orientations annoncées par ce dernier, les marchés ont conféré à la candidature Bolsonaro une crédibilité dans un domaine essentiel de l’action publique. La troisième force étaient sans doute la plus im-portante en termes électoraux. Elle était formée par une masse de Brésiliens qui n’étaient sans doute pas des adeptes fervents du bolsonarisme et qui ont choisi l’ancien capitaine faute d’être séduits par d’autres candidats capables d’éviter un retour au pou-voir du Parti des Travailleurs de Lula. Au moment de l’élection, ce secteur de la popu-lation représentait autour de 30% de l’électorat et se reconnaissait dans l’action de Sergio Moro, le juge de l’opération "Lavage-Express", combattant de la corruption, sans parti et sans idéologie bien définie.



Paulo Guedes (à gauche) et Sergio Moro (à droite), les deux alliés du Président en 2019.


En défenestrant Moro, en le forçant à démissionner, Bolsonaro détruit le front qui a as-suré sa victoire. Il s’éloigne de ce segment de l’électorat qui ne partageait pas ses idées autoritaires et réactionnaires et ne l’a appuyé que parce qu’il promettait la fin de la cor-ruption. Le soutien des milieux économiques, des investisseurs et des marchés est aussi en train de s’affaiblir. D’abord parce que Bolsonaro lui-même est devenu un des obstacles majeurs à la reprise de la croissance, en raison de sa gestion erratique, des conflits permanents qu’il alimente et qui ont fini par détruire le climat de confiance nécessaire au retour des investissements. Au sein du gouvernement, le ministre Paulo Guedes a longtemps été pour les investisseurs le garant d’une politique économique libérale, d’un réformisme résolu à lever tous les obstacles à la croissance. Avec la crise sanitaire du coronarivus, ce libéralisme est devenu brutalement caduc. Guedes entendait réduire le poids et le rôle de l’Etat dans l’économie, assainir les finances publiques et réduire les déficits. Ces ambitions ont été abandonnées face à la nécessité de soutenir les entreprises et une large part de la population menacée d’appauvrissement par la pandémie et les mesures de confinement.


L’exécutif est d’ailleurs prêt à tout pour lutter contre la récession. Lancé à la mi-avril en urgence, le plan Pro-Brasil vise à éviter un effondrement de l’investissement en relançant des projets d’infrastructure. Il n’est pas coordonné par le Ministre de l’économie mais par le pôle des militaires organisé au sein de la Présidence autour du chef de la maison civile, le général Braga Netto. Ce dispositif est en réalité une pièce importante de la stratégie de recentrage que tente d’engager l’équipe Bolsonaro. Il s’agit de satisfaire les attentes d’élus locaux et de leurs partis, des formations qui constituent au sein du Congrès une sorte de marais versatile que l’exécutif entend désormais rallier à sa cause. Pour mettre en œuvre ce plan d’investissement et combler tous les appétits de ces élus, le gouvernement pourrait aller jusqu’à abandonner les règles de discipline budgétaire auxquelles il est tenu depuis 2016. La politique économique conduite par le gouver-nement Bolsonaro 2 tournerait alors totalement le dos au libéralisme et à l’austérité prônés par le Ministre Paulo Guedes. Le jour de l’annonce du plan Pro-Brasil, ce dernier a commencé à perdre lui aussi son portefeuille.



Bolsonaro a cru qu’il pouvait à lui seul incarner le "peuple".

Il doit tenter aujourd’hui de s’accoquiner avec un secteur

du monde parlementaire qui représente l’incarnation

de la "vieille politique".


Dans la vie politique et parlementaire, la notion de centrão[3] fait référence à des partis politiques qui n’ont pas d’orientation idéologique bien définie et dont la finalité est de construire et de maintenir des liens avec le pouvoir exécutif afin d’obtenir de ce dernier des faveurs (sous la forme de crédits budgétaires, de postes ministériels dans la haute administration, les entreprises publiques, les cabinets) afin de distribuer des privilèges et des avantages à leurs propres clientèles politiques. Le virage radical pris par le gouver-nement Bolsonaro 2 consiste à construire une alliance avec ce centrão. Depuis le début avril, Bolsonaro a pris langue avec ces formations qui peuvent et pourraient le protéger. Les partis de ce marais versatile s’appellent le Parti populaire, le Parti des Républicains, le Parti Social-Démocrate (PSD), le Mouvement Démocrate Brésilien (MDB), le Parti Libéral (PL) ou encore le Parti Démocrate (DEM). Ensemble, ces formations disposent de 209 sièges à la chambre des députés (sur un total de 513) et de 41 sièges (plus de la moitié) au Sénat Fédéral. Au-delà de ce centrão, Bolsonaro a établi des contacts avec des élus qui représentent des clans traditionnels qui tiennent les Etats du Nord-Est ou y sont influents.


Le rapprochement en cours entre l’exécutif et le centrão aurait pu avoir lieu avant l’inves-titure du Président. Un grand nombre d’élus et de leaders de ces partis attrape-tout partagent la vision conservatrice et réactionnaire des bolsonaristes. Ils acquiescent au discours autoritaire et ultranationaliste de l’ancien capitaine. Ils étaient prêts à la fin 2019 à rejoindre le camp du vainqueur de l’élection. Pour ces caciques, le rapprochement du pouvoir central est un réflexe spontané dès lors qu’il permet de perpétuer le pouvoir local de leurs familles, de leurs clientèles. Leaders de partis-girouettes, ils savent par-faitement s’adapter aux mouvements du vent, abandonner rapidement des alliances anciennes pour se vendre au nouveau pouvoir. Bolsonaro avait donc à sa disposition dès sa victoire des partenaires disposés, sans états d’âme. Il suffisait de faire preuve de bien-veillance à l’égard de dizaines de députés et de sénateurs élus en 2018 parce qu’ils avaient senti où allait le vent. Eux aussi avaient bâti leurs campagnes sur la dénonciation de la corruption et du Parti de Lula, la nécessité d’un virage libéral en économie, la restauration d’une morale traditionnelle, de l’ordre, de l’autorité et des valeurs de la famille. Alors très populaire, l’ancien capitaine pouvait composer un gouvernement d’ouverture associant à son parti diverses organisations du centrão. L’alliance ainsi cons-truite aurait représenté une majorité de parlementaires imbattable au sein des deux chambres.


Bolsonaro a cru qu’il pouvait à lui seul seul incarner le "peuple". Il doit tenter aujourd’hui de s’accoquiner avec un secteur du monde parlementaire qui représente l’incarnation de la "vieille politique". Et le prix qu’il doit payer désormais pour séduire ce centrão oppor-tuniste et versatile est très élevé. Le Président est entré en négociation avec beaucoup moins d’atouts qu’il n’en détenait en janvier 2019. Il a d’abord perdu une partie de ses soutiens avec la crise du covid-19 et la démission de Sergio Moro. Après avoir dénigré pendant seize mois la "vieille politique" des échanges de faveurs, d’un présidentialisme de coalition qui passe souvent par des concessions aux parlementaires les plus fisiologistas, il est difficile d’expliquer à ses fidèles les raisons d'un tel virage sans courir le risque de perdre des soutiens parmi les bolsonaristes les plus engagés.



Le siège du Congrès National à Brasilia, une institution où Bolsonaro cherche désormais des alliés parmi les forces politiques les plus opportunistes.



Que peut d’ailleurs offrir aujourd’hui le chef de l’Etat à ces élus opportunistes dont il cherche à obtenir l’appui ? A ses interlocuteurs désormais privilégiés, Bolsonaro peut an-noncer fièrement qu’il s’est débarrassé d’un ministre qui, dans un passé récent, avait été un acteur central de la lutte menée par la justice contre la corruption. Le chef de l’Etat assurera à ses nouveaux amis qu’ils peuvent être tranquilles, qu’ils ne rencontreront plus au gouvernement de justicier prêt à faciliter l’accélération du traitement des multiples affaires qui les concernent. En outre, il y a toujours des postes à proposer et des crédits budgétaires qui peuvent être libérés. Reste qu’avec la perspective d’une récession, le butin à partager s’est singulièrement réduit. Les élus du centrão qui auraient pu être des associés de l’ère de prospérité et d’abondance promise par Paulo Guedes il y a encore peu de temps savent que la conjoncture a radicalement changé. Dorénavant, à brève échéance, ils peuvent se retrouver débiteurs solidaires d’un gouvernement qui s’effon-drerait dans un pays confronté à la multiplication de faillites d’entreprises et à une explosion du chômage. Peuvent-ils d’ailleurs accorder un crédit si modeste soit-il à ce Président qui n’a cessé de les dénigrer depuis des mois, d’alimenter les controverses et les crises ? Quelle garantie peuvent-ils attendre d’un personnage qui n’a jamais été capable de faire preuve de leadership, qui a tout fait pour que sa relation avec le Congrès soit désastreuse. Peuvent-ils faire alliance sur le tard avec un complice qui a déjà la Justice à ses trousses ?


Le lancement du gouvernement Bolsonaro 2 intervient en effet dans des circonstances très problématiques. Le Président et son clan ne sont pas seulement confrontés à une crise politique classique. L’étau judiciaire vient de se resserrer autour de la famille Bolsonaro, concernée par de nombreuses informations ouvertes par le Tribunal Suprême Fédéral et par des juridictions inférieures. C’est pour tenter de desserrer cet étau et garantir sa survie au pouvoir que Bolsonaro a engagé une mue. Les partis du centrão savent que ce chef de l’Etat n’est plus le partenaire de jeu auquel ils souhaitaient s’as-socier en janvier 2019. Sa crédibilité est fortement érodée. Son image dans l’opinion com-mence à se dégrader. Les perspectives économiques et sociales sont particulièrement sombres. Embarquer aujourd’hui sur un navire pour seconder l’équipage perdu dans la tempête, c’est courir le risque de périr lors du naufrage déjà annoncé.



A suivre : Jusqu'en 2022 ?.


 

[1] Les notifications officielles sont très inférieures au nombre de cas réels. Selon le grou-pe d’opérations et d’intelligence en santé publique créé par la Fondation Oswaldo Cruz et l’Université PUC de Rio de Janeiro, il faut multiplier le nombre de cas déclarés par un coefficient de 12,53 pour avoir une estimations plus réaliste de la population contaminée. Voir le site internet : https://sites.google.com/prod/view/nois-pucrio. [2] La Police Fédérale (PF) est à la fois un organe d’investigation et de répression des infractions et crimes qui concernent le patrimoine et les intérêts de l’Etat fédéral, touchent à l’ordre public à l’échelle de plus d’un Etat fédéré. Ses compétences s’étendent aussi au contrôle des frontières, des ports et aéroports. Elle est donc chargée de la lutte contre la contrebande, le trafic d’armes et de stupéfiants. Cet organisme est placé sous la tutelle de la Présidence et du Ministère de la Justice. Le directeur général de la Police Fédérale (poste le plus élevé dans la hiérarchie) est nommé et révoqué à l’initiative du Chef de l’Etat. Le fonctionnement de la Police Fédérale est subordonné au Ministère de la Justice, qu’il s’agisse de la gestion des carrières ou de l’établissement du budget annuel. Néanmoins, la Police Fédérale jouit d’une autonomie d’investigation. Cela signifie que le gouvernement ne peut pas définir les enquêtes que doit conduire l’organisme. Pendant la réalisation de ces enquêtes, seul le pouvoir judiciaire est habilité à établir les limites d’intervention des policiers. La PF est une police judiciaire : chaque opération est conduite sous l’autorité d’un Juge du parquet qui autorise les perquisitions, les suspensions de secret bancaire, les arrestations provisoires. Le contrôle extérieur du travail de la PF est du ressort du Ministère Public. A l’issue d’une enquête, la PF fournit un rapport au parquet. Les procureurs et juges du parquet choisissent alors soit un abandon de la procédure, soit un approfondissement, soit la mise en examen des judiciables concernés et l’ouverture d’une action pénale. [3] Le terme de centrão (grand centre) employé ici ne signifie pas que les formations concernées soient du centre (entre la droite et la gauche). La plupart des partis désignés ici partagent une orientation conservatrice. Au Congrès, ils sont principalement repré-sentés par des parlementaires appartenant au "bas-clergé", c’est-à-dire à ce groupe d’élus sans envergure ni talent particulier, engagés exclusivement dans la défense d’inté-rêts sectoriels ou régionaux, voire de leurs intérêts personnels. Députés et sénateurs du centrão se distinguent par une activité parlementaire dominée par le fisiologismo (physiologisme) : leurs décisions et leurs actions sont liées à des échanges de faveurs, des avantages (en termes de postes dans la haute-administration fédérale et les entreprises publiques, de passe-droits, de ressources financières) qu’ils espèrent pour eux-mêmes et leurs clientèles, au détriment de l’intérêt général. Les solidarités, les alliances ne sont pas fondées sur des proximités idéologiques. Elles fonctionnent selon une loi simple : on n’a rien sans rien ! C’est en donnant que l’on reçoit !



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Qui sommes nous?

Jean-Yves Carfantan, économiste, consultant en économie agricole. Analyse et suit l’évolution de l’économie et de la politique au Brésil depuis 30 ans. Vit entre São Paulo et Paris.  Il anime ce site avec une équipe brésilienne formée de journalistes, d’économistes et de spécialistes de la vie politique nationale.

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