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Le Brésil de Lula, les Brics et........la Chine.


Schizophrénie géopolitique (1).



C’est le paradoxe originel. Le groupe de pays émergents qui se propose de remettre en cause l’ordre économique mondial piloté par l’Occident porte un nom inventé en 2001 par un cadre de la méga-firme américaine Goldman Sachs. C’est en effet Jim O’Neill, un des éminents économistes de cette banque (et ancien ministre du Trésor) qui a proposé d’utiliser le sigle de B.R.I.C. (Brésil, Russie, Inde et Chine) pour désigner les quatre pays qui semblaient à l’époque tous promis à une ascension économique irrésistible. O’Neill affir-mait d’ailleurs qu’à l’horizon 2050, le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine domineraient l'éco-nomie mondiale. En conséquence, le banquier préconisait que ces nations soient mieux représentées et plus influentes au sein des organisations multilatérales de Bretton Woods (Fonds Monétaire International, Banque Mondiale). Les quatre Etats fournissaient alors 14,5% du PIB mondial et regroupaient près de 42,7% de la population du globe. Ils souhaitaient remettre en cause un ordre économique dominé par les Etats-Unis et les pays occidentaux. Reprenant à leur compte l’acronyme proposé par O’Neill, les quatre gouvernements des Brics se réunissent pour un premier sommet en 2009. Un an plus tard, l’Afrique du Sud a été ajoutée à la liste et l’acronyme est devenu B.R.I.C.S.. Un club de dirigeants de pays dits émergents était né.


Les cinq Etats membres n’ont pas souscrit alors à un projet formel commun. Ils n’ont pas ratifié de charte ou d’accord les engageant sur des objectifs précis. Ils ont convenu que les décisions au sein des Brics seraient prises par consensus. A défaut de charte, ils se sentaient soudés par une même frustration, celle d’être relégués à la périphérie d’un ordre économique et d’institutions internationales nées après la Seconde Guerre et do-minées par les Etats occidentaux. Rapidement, ils ont annoncé qu’ils allaient œuvrer à la mise en place d'un futur système de gouvernance mondiale dans lequel ils auraient un poids politique et économique égal à celui des puissances occidentales et où aucun État ne dominerait les autres. En 2014, lors du sommet de Fortaleza (Brésil), ils ont créé leur propre banque de développement et mis en place un système de soutien aux membres confrontés à des crises de balance des paiements. Ils ont aussi commencé à commercer en utilisant leurs monnaies. Chaque année, un sommet a réuni les 5 chefs d’Etats.


Au cours de la décennie passée, sous l’impulsion de la Chine et de la Russie, ces ren-contres de haut niveau ont permis d’afficher de nouvelles ambitions : libérer les écono-mies du groupe (voire d’autres pays du Sud) du système financier international basé sur le dollar qui confère de sérieux avantages aux Etats-Unis et expose tous les pays aux fluctuations de la politique monétaire américaine. Pékin et Moscou entendaient utiliser cette enceinte pour jeter les bases d’un nouvel ordre économique opposé à l’ordre libéral dominant depuis la seconde moitié du vingtième siècle. La mise en œuvre rapide de ce projet n’a pas été favorisée par les circonstances au cours des années passées.


Des avancées difficiles sur le terrain de la

réforme de l'ordre économique mondial.


Le club a été fragilisé par les trajectoires économiques divergentes des pays membres.

Après la fin du "supercycle des matières premières" (2004-2010), les économies non asia-tiques des Brics ont connu un rythme moyen de croissance faible. Entre 2010 et 2019, la progression annuelle moyenne du PIB a été de 1,3% du Brésil, de 1,7% en Afrique du Sud et de 2,1% en Russie. Pendant ce temps, l’Inde connaissait un rythme d’expansion an-nuelle moyen de 7% et la Chine doublait son PIB. La part de la République populaire dans le PIB de l’ensemble des 5 Brics était de 47% au début des années 2000. Elle est de 70% aujourd’hui. En 2001, les exportations et importations de la Chine représentaient 55% des échanges commerciaux de l’ensemble des nations du club. En 2022, cette part at-teignait 69%.


Le revenu moyen par habitant a doublé dans la République populaire entre 2010 et 2022. Le PIB per capita du pays le plus pauvre du groupe, l’Inde, est équivalent au quart de celui de la Russie et à 40% de celui de la Chine. Il a cependant augmenté de près de 70% entre 2010 et 2022 alors qu’il stagnait au Brésil et se tassait en Afrique du Sud. La Russie et la Chine ont enregistré des excédents de leurs paiements courants sur la période alors que les autres pays membres du club devaient financer des déficits. La Russie (acteur important du cartel dit OPEP+) et le Brésil sont exportateurs nets de pétrole. L’Afrique du Sud, l’Inde et surtout la Chine sont des importateurs nets. La Chine pratique un régime de change administré alors que les autres membres du Brics appliquent une politique de change plus flexible. La liste des différences pourrait être allongée. Tous ces éléments relativisent considérablement la capacité du club à avancer sur le terrain de la réforme de l’ordre économique mondial.


Revenu moyen par habitant dans les pays du club des Brics.

Source : FMI.


A ces aspects économiques, il faut bien évidemment ajouter des facteurs politiques et géopolitiques. Le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud sont des démocraties. La Russie et a Chine sont des dictatures. Quelles que soient les orientations des gouvernements qui se succèdent à Brasilia, il est difficile pour le pouvoir en place de s’aligner totalement sur les projets de rupture avec le monde occidental que caressent les régimes autoritaires de Pékin et de Moscou. Une autre réalité fragilise le club : un conflit géopolitique de pre-mière importance oppose les deux membres asiatiques. L’Inde et la Chine s’affrontent depuis 1962 à propos de la définition d’une frontière de près de 3440 km sur la chaîne de l’Himalaya [1]. Les deux titans maintiennent des relations diplomatiques et économiques mais entre Pékin et New Delhi, les rapports sont marqués par un climat de guerre froide, de tension permanente. Ces deux puissances nucléaires sont dotées de capacités mili-taires de plus en plus importantes. Elles sont engagées depuis des années dans une dy-namique de croissance économique forte. Chacun des Etats veut s’affirmer comme lea-der régional. L’Inde cherche à construire des alliances politiques et économiques avec des pays du continent asiatique afin de mettre en œuvre une stratégie de contention de l’influence chinoise dans la région. De son côté, Pékin utilise son projet de route de la soie pour tenter d’isoler l’Inde. Le rapprochement intervenu entre les deux titans asiatiques en 2018 n’a pas dissipé les tensions et le climat de méfiance existants.


Tout cela n’a pas empêché le club de perdurer dans le temps. Les Brics perdurent parce que le groupe remplit plusieurs fonctions. L'une d'entre elles est de fournir aux membres une plate-forme pour critiquer, parfois à juste titre, la manière dont des institutions telles que la Banque mondiale, le FMI et le Conseil de sécurité de l'ONU mettent à l'écart le "Sud global", une expression qui a récemment remplacé dans les commentaires géo-politiques celle de "tiers-monde". Avec l’ascension de la Chine et de l’Inde, la part des Brics dans le PIB mondial a fortement progressé depuis 20 ans (passant de 8% en 2021 à plus de 26% en 2022) alors que celle du G7 reculait dans le même temps (de 65% à 43%). La rhétorique de contestation des institutions multilatérales est donc devenue de plus en plus virulente. A Brasilia comme à Pretoria, les gouvernements successifs ont repris à leur compte cette contestation alimentée par Pékin et Moscou. Les puissances occi-dentales sont ainsi désignées comme les boucs-émissaires faciles d’une stagnation éco-nomique dont les causes sont avant tout intérieures.


Le Brésil et l’Afrique du Sud auraient pu perdre leur capacité d’influence en Amérique du Sud et sur le continent africain à partir de 2010 en raison de performances économiques médiocres. Pourtant, le fait d’être les seuls pays de leurs continents respectifs à appar-tenir au club des Brics a sans doute permis aux deux Etats de conserver un certain lea-dership régional. Pour plusieurs pays membres, l’appartenance au groupe est aussi un moyen d’éviter l’isolement diplomatique. A partir de 2020, après le départ de son allié D. Trump de la Maison Blanche, le Brésilien Bolsonaro s’est ainsi rapproché du club. Depuis 2014 et l’invasion de l’Ukraine, les Brics permettent à la Russie de conserver quelques alliés solides et de ne pas devenir un paria unanimement rejeté à l'échelle internationale.


Brasilia et Pretoria ont par ailleurs considéré ces dernières années que le groupe leur permettait de construire des relations diplomatiques privilégiées avec Pékin, un objectif sans doute plus difficile à atteindre au sein du G20 qui regroupe les vingt premières éco-nomies de la planète. Jusqu’à la fin des années 2010, le club apparaissait comme une alliance de grands pays en développement caressant tous l’ambition lointaine de cons-truire un monde multipolaire moins dominé par la puissance américaine.




Brésil et Brics : le poids des réalités.


En réalité, au fil des années, le club des Brics est devenue une enceinte au sein de laquelle l’axe autocratique formé par la Chine et la Russie a imposé une rhétorique de contestation de "l’ordre libéral" international coordonné et piloté par les Etats-Unis. En participant à cette contestation, le Brésil se retrouve dans une situation extrêmement délicate. Volens Nolens, le pays fait partie du monde occidental au sens large de la ter-minologie. Il en fait partie par son histoire, sa culture, les valeurs dont il se revendique. Il est encore très lié à ce monde occidental sur un strict plan économique.


Considérons par exemple les échanges commerciaux. Certes, la Chine est devenue sur les vingt dernières années le premier client (27,2% des recettes d’exportation en 2022, contre 13,8% en 2009). et le premier fournisseur du Brésil (22% des importations en 2022, contre 12,3% en 2009). C’est sur le marché chinois que le Brésil écoule une large part du soja, du minerai de fer, de la cellulose, du sucre, des viandes ou du coton qu’il exporte. Le pays dépend de plus en plus de la Chine pour exporter ses matières premières. Le mar-ché chinois ne s’est pourtant pas ouvert aux exportateurs brésiliens avec la création des Brics. Les mouvements commerciaux avaient commencé bien avant 2009 et s’ils ont fortement progressé depuis, cela tient à de nombreux facteurs qui n’ont rien à voir avec la création du club : croissance de l’économie chinoise, essor d’une classe moyenne, ur-banisation, investissement élevé en infrastructures et capacités industrielles, etc…La constitution du club n’a pas ouvert le marché chinois aux exportateurs brésiliens de mi-nerais, de grains ou de protéines animales. La Chine est aussi devenue depuis quelques décennies un important fournisseur du Brésil. Elle représentait en 2022 un peu plus de 22% des importations de marchandises (contre 12,3% en 2009). Cet essor tient avant tout à la compétitivité des produits industriels chinois, aux médiocres performances de l’in-dustrie brésilienne et à l’environnement économique intérieur difficile que cette branche doit affronter.


Le commerce extérieur du Brésil en 2022.

Source : MDIC.


En dehors de la Chine, c’est d’abord avec des pays de ce monde occidental artisans de l’ordre libéral international que le Brésil commerce. Les autres pays du Brics pèsent peu dans les échanges extérieurs. Les revenus dégagés par le Brésil à l’exportation vers l’Inde, l’Afrique du Sud et la Russie sont très irréguliers d’une année à l’autre. Ces pays restent des débouchés mineurs par rapport à la Chine et aussi par rapport aux pays industrialisés occidentaux qui représentent (encore) ensemble près du tiers des dé-bouchés du Brésil à l’exportation. Par ailleurs, dans le monde émergent, l’ASEAN reste un marché bien plus important que l’Inde (7,1% des revenus d’exportation, contre 1,88% en 2022) ou la Russie (0,58%). La part des pays du Brics hors Chine dans les importations du Brésil est aussi très limitée. Ensemble, ils ont représenté 6,34% des importations en 2022, contre près de 40% pour l’Union Européenne et l’Amérique du Nord réunies.


Le Brésil reste un pays très intégré

à l'économie du monde occidental.


Pour mesurer l’intégration de l’économie brésilienne à la sphère du monde occidental, il ne suffit pas de prendre en compte les données générales du commerce extérieur. Il convient d’analyser la composition détaillée des échanges. L’Inde fournit au Brésil des engrais minéraux de base, des dérivés du pétrole, des produits manufacturés de con-sommation, des médicaments et du gaz naturel. La Russie est devenue le premier fournisseur de diesel au Brésil. Elle reste une origine très importante pour les livraisons d’engrais de base, de gaz naturel. Il est difficile de conclure cependant que le Brésil soit devenu dépendant de ces pays en engrais ou en carburants. L’analyse des flux d’importa-tion montre en revanche que le pays est effectivement très dépendant du monde occidental pour les technologies et les intrants qui lui ont permis de devenir une superpuissance agricole. C’est aussi auprès de firmes occidentales qu’il se fournit dans des secteurs clés comme la santé, la sécurité et la défense. Les firmes pharmaceutiques nord-américaines et européennes commercent avec leurs filiales au Brésil. La marine brésilienne bénéficie de transferts de technologies d’origine française. L’armée de terre coopère avec l’Allemagne en matière de production de blindés. La Suède est le premier fournisseur en appareils modernes de l’armée de l’air.


L’intégration économique au monde occidental et à l’ordre libéral international ne peut pas être évaluée à partir des seuls flux commerciaux. Elle résulte également des flux d’investissements qui se dirigent vers le pays, notamment des investissements pérennes que sont les investissements directs étrangers qui créent de nouvelles capacités de pro-duction ou permettent la prise de contrôle de capacités existantes. L’analyse des entrées d’investissements directs sur les dernières années montre que les entreprises chinoises sont devenues des acteurs importants. Une étude réalisée par un think tank [2] rattaché à une université brésilienne montre qu’entre 2010 et 2021, les entrées d’investissements d’origine chinoise ont atteint en cumul 73,2 milliards de dollars, ce qui place la Chine à hauteur des pays occidentaux en ce qui concerne la valeur annuelle moyenne des flux de capitaux. Ces flux ont permis de développer et/ou de contrôler des capacités de pro-duction dans deux secteurs principaux : la production d’énergie électrique et les indus-tries extractives (pétrole, minerais). Les opérateurs chinois ont aussi investi dans les infra-structures logistiques destinées à faciliter l’exportation, la distribution d’intrants agricoles et quelques productions manufacturières.


Investissements directs chinois cumulés entre 2010 et 2021.

Source : Brics Policy Center.


Notons au passage que les investissements directs en provenance des autres pays du club des Brics restent très modestes. En dehors de la Chine, les grands investisseurs qui contribuent à accroitre le potentiel de production du pays restent des entreprises d’ori-gine européenne (Allemagne, France, Espagne, Italie, Royaume-Uni) et nord-américaine. La Banque centrale du Brésil publie régulièrement un rapport qui évalue l’importance des investissements directs étrangers dans le pays en retenant comme critères la valeur de marché des entreprises effectivement contrôlées par des acteurs étrangers. Ces rap-ports montrent qu’au cours de la dernière décennie ces acteurs sont restés d'abord des opérateurs occidentaux. Ainsi, à la fin 2021, sur un stock total d’actifs contrôlés par des étrangers évalué à 901,4 milliards d’USD, la part des entreprises d’origine américaine et celle des firmes de l’Union européenne était respectivement de 22,8% et de 41%. Les opérateurs économiques étrangers qui contrôlent des activités et des sites de pro-duction au Brésil sont d'abord originaires des Etats-Unis, de l’Allemagne, de la France, de l’Espagne, de l’Italie ou des Pays-Bas…. Carrefour est le premier distributeur au Brésil. Renault est un producteur local d’automobiles. C’est aussi le cas de Volswagen ou de Mercedes Benz….Le groupe néerlandais Heineken gère 12 brasseries industrielles dans le pays. Les firmes espagnoles Repsol (carburants) ou Telefonica (télécommunications) sont présentes sur de nombreuses régions. La liste est longue....


Stocks d'investissements étrangers par pays investisseurs (Millions d'USD).

Source : Banco Central do Brasil.


Les apports de capitaux ne se concrétisent pas seulement par des investissements di-rects (créations de site de production nouveaux, acquisitions, prises de participation) mais aussi par des prêts internationaux. Ici encore, entre les représentations que peut alimenter le discours médiatique ou la propagande politique et les réalités, il y a d’im-portantes différences. Depuis 2016, les médias soulignent avec justesse que la banque multilatérale de développement créée par les Brics contribue par ses prêts à favoriser l’essor des infrastructures et la gestion des crises. Au total, en comptant les prêts accordés entre 2016 et les premiers mois de 2023, la NDB a déjà transféré 5,58 milliards de dollars à des initiatives et des projets au Brésil. La banque installée à Changhai a aussi permis au Brésil de financer les programmes d’allocations sociales d’urgence et les dispositifs de soutien aux entreprises instaurés pendant la crise du Covid. En réalité, ce concours reste très modeste si l’on compare les valeurs évoquées à l’ensemble des flux d’emprunts auxquels recourt le Brésil.


Les bailleurs de fonds du Brésil

sont d'abord des occidentaux.


Commençons par les prêts octroyés sur les quinze dernières années par les banques publiques chinoises aux entreprises brésiliennes. En cumul, entre 2007 et 2022, ces finan-cements ont atteint près de 31 milliards de dollars. A cette somme, il faut ajouter 9 milliards de dollars d’emprunts contractés auprès d’institutions financières privées chi-noises. Au cours de la même période, les prêts à court et long terme (hors crédits com-merciaux) consentis par des bailleurs de fonds du monde occidental atteignent en cumul plus de 395 milliards de dollars. Il s’agit là du total des concours financiers fournis par les institutions multilatérales (Banque Mondiale, FMI, Banque Interaméricaine de Dévelop-pement), des Etats et des banques publiques étrangers, des institutions financières pri-vées, des investisseurs ayant souscrits des titres d’emprunts émis par le secteur public et les entreprises brésiliennes acteurs économiques brésiliens. Lorsque le secteur public brésilien et les firmes nationales lèvent des fonds à l’étranger, ils le font avant tout sur les marchés financiers et auprès d’investisseurs occidentaux. Le constat est renforcé lorsqu’après avoir évoqué les flux, on raisonne en termes de stocks de dettes à long terme contractées vis-à-vis de créanciers étrangers. L’analyse de stock de la dette exté-rieure brésilienne sur la période 2020-2021 montre que d’une année à l’autre une faible part de ce stock correspond à une dette publique contactée auprès d’agences multi-latérales (Banque Mondiale, Banque Interaméricaine de développement, FMI) ou auprès de gouvernements de pays tiers (dont la Chine). L’essentiel de l’encours correspond à des émissions de titres sur les marchés financiers occidentaux et à des prêts de banques privées (principalement occidentales). Ainsi, à la fin 2021, sur un encours total de 515,52 milliards d’USD, les engagements contractés suite à l’émission de titres sur les marchés internationaux et les prêts consentis par des banques privées occidentales repré-sentaient ensemble à près de 84% du stock de dette extérieure.


Le secteur public et les entreprises privées brésiliennes se financent à l’extérieur en privilégiant les levées de fonds et les emprunts sur les marchés occidentaux. Les firmes occidentales sont les premiers investisseurs dans le pays. Les échanges commerciaux avec ce monde occidental dénigré au sein des Brics demeurent très importants et souvent essentiels.




Pourtant, le Brésil appartient à un club de plus en plus clairement piloté par la Chine. Sous l’impulsion de Pékin et de Moscou, les membres du cercle se sont donné la mission de dénoncer un occident qui serait à la fois en déclin et injuste à l’égard des pays émergents et de toutes les nations du fameux "sud global". Depuis le retour de Lula au pouvoir, cette rhétorique antilibérale et antioccidentale est devenue le credo de la di-plomatie brésilienne. Une telle dérive précipite le pays dans une forme de schizophrénie car elle contrarie les intérêts réels de la nation. Le Brésil dépend certes de la Chine pour écouler ses produits de base. Mais il est aussi profondément intégré dans l’économie libérale globalisée que Pékin et ses alliés veulent fragiliser. Depuis quelques années, les deux superpuissances que sont les Etats-Unis et la Chine s’emploient à consolider les al-liances pour contester l’hégémonie de l’une ou la prétention à l’hégémonie de l’autre. Cet affrontement peut déboucher sur des conflits armés aux conséquences imprévisibles notamment dans la zone Asie-Pacifique. La puissance régionale moyenne qu’est le Brésil doit impérativement maintenir une position d’équidistance entre les deux camps qui se renforcent à l’échelle mondiale. Il ne parviendra pas à atteindre cet objectif s’il s’aligne systématiquement sur les positions de la Chine au sein d’un club que cette dernière veut faire évoluer en fonction de ses intérêts géostratégiques. C'est pourtant cet alignement qu'il pratique de plus en plus...


A suivre : Soumission à la Chine.



 

[1] C’est sur le territoire objet du conflit que sont localisées les sources des deux principaux fleuves qui arrosent la Chine, le Fleuve Jaune et le Yangtzé. Si elle l’emportait, l’Inde s’assurerait donc le contrôle de la citerne de la Chine, ce qui placerait ce dernier pays dans une position de grande vulnérabilité. Depuis les années soixante, à 4 reprises (1962, 1967, 1987 et 2017), le conflit frontalier a provoqué des affrontements armés con-clus par des cessez-le-feu précaires. [2] Brics Policy Center, rattaché au Centre de Recherches Internationales de la Pontifícia Universidade Católica do Rio de Janeiro (PUC-Rio).


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